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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/403

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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

vêque de Bordeaux, comme président du concile, s’adressant à l’accusé, lui dit : « Écoute, frère et co-évêque, tu ne peux plus demeurer en communion avec nous et jouir de notre charité jusqu’au jour où le roi, auprès de qui tu n’es pas en grace, t’aura accordé son pardon[1]. » À cet arrêt prononcé par la bouche d’un homme qui la veille s’était joué si indignement de sa simplicité, Prætextatus resta silencieux, et comme frappé de stupeur. Quant au roi, une victoire si complète ne lui suffisait déjà plus, et il s’ingéniait encore pour trouver quelque moyen accessoire d’aggraver la condamnation. Prenant aussitôt la parole, il demanda qu’avant de laisser sortir le condamné, on lui déchirât sa tunique sur le dos, ou bien qu’on récitât sur sa tête le psaume cviiie, qui contient les malédictions appliquées par les Actes des apôtres à Judas Iscariote : « Que ses jours soient en petit nombre ; que ses fils deviennent orphelins et sa femme veuve. Que l’usurier dévore son bien, et que des étrangers enlèvent le fruit de ses travaux ; qu’il n’y ait pour lui ni aide ni pitié ; que ses enfans meurent et que son nom périsse en une seule génération[2]. »

La première de ces cérémonies était un symbole de dégradation infamante, l’autre s’appliquait seulement dans les cas de sacrilége. Grégoire de Tours, avec sa fermeté tranquille et modérée, éleva la voix pour qu’une semblable aggravation de peine ne fût point admise, et le concile ne l’admit point. Alors Hilperik, toujours en veine de chicanes, voulut que le jugement qui suspendait son adversaire des fonctions épiscopales fût rédigé par écrit avec une clause portant que la déposition serait perpétuelle. Grégoire s’opposa encore à cette demande, en rappelant au roi sa promesse formelle de renfermer l’action dans les bornes marquées par la

  1. His ita lectis, cùm Praetextatus staret stupens, Berthechramnus episcopus ait : « Audi, ô frater et co-episcope, quia regis gratiam non habes, ideòque nec nostrâ caritate uti poteris, priusquàm regis indulgentiam merearis. (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 245.)
  2. His ita gestis, petiit rex, ut aut tunica ejus scinderetur, aut centesimus octavus psalmus, qui maledictiones Ischariotichas continet, super caput ejus recitaretur. (Ibid., pag. 246.)