Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
411
NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

aurait bon marché de cette procédure ecclésiastique, prit sous son patronage tous les accusés, et leur procura ouvertement les moyens de se dérober à l’information judiciaire, soit par la fuite, soit en opposant la résistance à main armée[1].

Loin de se laisser décourager par les obstacles de tous genres qu’il rencontrait, l’évêque Leudowald, homme consciencieux et attaché à ses devoirs sacerdotaux, redoubla de zèle et de soins pour découvrir l’auteur du meurtre et s’enquérir à fond des mystères de cette horrible trame. Alors Fredegonde mit en usage les ressources qu’elle réservait pour les occasions extrêmes ; on vit des assassins rôder autour de la maison de l’évêque et tenter de s’y introduire ; il fallut que Leudowald se fît garder jour et nuit par ses domestiques et par ses clercs[2]. Sa constance ne tint pas contre de pareilles alarmes ; les procédures, commencées d’abord avec un certain éclat, se ralentirent, et l’enquête, selon la loi romaine, fut bientôt abandonnée, comme l’avaient été les poursuites devant les juges de race franke, assemblés selon la loi salique[3].

Le bruit de ces évènemens, qui de proche en proche se répandaient par toute la Gaule, arriva au roi Gonthramn, dans sa résidence de Châlons-sur-Saône. L’émotion qu’il en ressentit fut assez vive pour le tirer un moment de l’espèce de nonchalance politique où il se complaisait. Son caractère était, comme on l’a déjà vu, formé des plus étranges contrastes, d’un fonds de piété douce et d’équité rigide, au travers duquel bouillonnaient, pour ainsi dire, et se faisaient jour par intervalle les restes mal éteints d’une nature sauvage et sanguinaire. Ce vieux levain de férocité germanique révélait sa présence dans l’ame du plus débonnaire des rois mérovingiens, tantôt par des fougues de fureur brutale, tantôt par des

  1. Sed et aliquos adprehendit, quibus supplicio subditis, veritatem extorsit, qualiter per consilium Fredegundis haec acta fuerant ; sed eâ defensante, ulcisci non potuit. (Greg. Turon. Hist. lib. viii, pag. 327)
  2. Ferebant etiam ad ipsum percussores venisse, pro eo quòd haec inquirere sagaciter destinaret ; sed custodiâ vallato suorum, nihil ei nocere potuerunt. (Ibid.)
  3. In mallo, hoc est ante Theada, vel Tunginum. (Lex salica, apud script. Rerum francic., tom. iv, pag. 151.)