Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
REVUE DES DEUX MONDES.

Joseph, tout honteux de sa terreur, pénétra au fond de la nef : une croix de bois marquait la place où avait été l’autel. Geneviève était agenouillée devant cette croix ; elle avait roulé son fichu de mousseline blanche comme un voile autour de sa tête ; et, penchée dans l’immobilité du recueillement, un cerveau plus exalté que celui de Joseph l’aurait prise pour une ombre. Étonné de trouver Geneviève dans une attitude si calme, et ne comprenant pas l’émotion que cette femme agenouillée, la nuit, au milieu des ruines, lui causait à lui-même, le bon campagnard eut comme un sentiment de respect qui le fit hésiter à troubler cette sainte prière ; mais au bruit des pas de Joseph, Geneviève se retourna, et se levant à demi, le questionna d’un air inquiet.

Il eut presque envie de la tromper et de lui cacher la vérité ; mais elle interpréta son silence, et s’écria en joignant les mains :

— Au nom du ciel, ne me faites pas languir… s’il est mort !… ah ! oui… je le vois… il est mort !… Et elle s’appuya en chancelant contre la croix.

— Non, non ! répondit vivement Joseph ; il vit, on peut le sauver encore.

— Ah ! merci ! merci ! dit Geneviève ; mais dites-moi bien la vérité, est-il bien mal ?

— Mal ? certainement. Voici la réponse ambiguë du médecin : peu de chose à craindre, peu de chose à espérer, c’est-à-dire que la maladie suit son cours ordinaire et ne présente pas d’accident impossible à combattre, mais que par elle-même c’est une maladie grave et qui ne pardonne pas souvent.

— En ce cas, dit Geneviève après un instant de silence, retournez auprès de lui, je vais encore prier ici.

Elle se remit à genoux, et laissa tomber sa tête sur ses mains jointes, dans une attitude de résignation si triste, que Joseph en fut profondément touché.

— Je vais y retourner en effet, répondit-il ; mais je reviendrai certainement vers vous aussitôt qu’il y aura un peu de mieux.

— Écoutez, Joseph, lui dit-elle, s’il doit mourir cette nuit, il faut que je le voie, que je lui dise un dernier adieu. Tant que j’aurai un peu d’espoir, je ne me sentirai pas la hardiesse de me montrer dans sa maison ; mais si je n’ai plus qu’un instant pour le voir