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qui se nommait Kalle, un homme de bonne mine et de manières très attrayantes. Il paraissait âgé d’environ trente ans, sur lesquels il en avait passé six dans le pays à administrer son district, sous la dépendance du gouverneur de Leifly, qui a le rang de major dans la marine danoise. L’ecclésiastique, nommé Kijer, paraissait du même âge et avait les façons et le langage d’un homme intelligent et bien élevé. Il résidait depuis le même espace de temps sur les lieux avec sa femme et une famille peu nombreuse.

« Le gouverneur m’offrit avec bienveillance le passage dans son canot, et je m’y embarquai avec le commandant Ross. Pendant la route, ces messieurs, qui parlaient anglais, nous apprirent les noms des îles, des rochers, des montagnes, des baies devant lesquels nous passions ; à ces renseignemens utiles ils ajoutèrent la plus agréable nouvelle que nous eussions reçue depuis notre départ de la Tamise, en nous confirmant ce que nous avions déjà soupçonné d’après l’absence des glaces. Ils nous assurèrent que la saison actuelle était la plus douce que de mémoire d’homme on eût jamais vue dans l’établissement, et qu’il en avait été de même de la précédente. Leur conviction était que si jamais le passage devait être découvert, ce serait pendant cet été. Dans la dernière partie de l’année précédente, le froid avait été si peu rigoureux, que la navigation du hâvre où nous nous trouvions n’avait été interrompue que trois jours pour les bateaux qui ont coutume de le traverser ; le thermomètre de Réaumur n’avait été qu’un seul jour à 18° au-dessous de zéro, et depuis cette époque il n’était jamais descendu au-dessous de 9°. Il en avait été bien autrement dans les années antérieures, pendant lesquelles il s’était maintenu, à plusieurs reprises et durant de longs intervalles, à 32° au-dessous de zéro.

« Après avoir remonté la passe pendant environ trois milles, nous aperçûmes le pavillon danois et la ville, qui est exposée au nord-ouest et située sur une petite hauteur à environ cinq cents pas du lieu où l’on débarque, au fond d’une petite crique qui, décrivant une courbe au sud-ouest, est à l’abri de la mer et forme un bassin commode pour les canots et les petits bâtimens qui y entrent sans peine à la haute mer. Au moment où nous mettions le pied sur le rivage, nous fûmes salués de plusieurs coups de canon, honneur auquel nous étions loin de nous attendre, et que nous rendîmes, cela va sans dire, à la première occasion. Nous fûmes reçus par Mme Kijer, qui nous attendait pour nous conduire dans sa demeure hospitalière. Heureusement je parlais le danois, et je pus causer avec cette dame qui ne comprenait pas l’anglais. On nous servit un dîner composé de gibier et d’autres plats,