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PORTRAITS DE ROME.

et comparés, comme des êtres réels, avec leurs images ? Plus tard, quand nous rencontrerons ce culte de l’antiquité romaine, poussé, jusqu’à la superstition, nous ne nous en scandaliserons pas trop, car nous nous rappellerons les paroles de l’évêque du xiie siècle. De même, l’âpreté des sarcasmes des âges suivans contre le pouvoir des papes dépassera difficilement l’amertume de deux vers qui suivent ceux que nous venons de citer. « Heureuse ville si elle manquait de maîtres, ou s’il était honteux à ses maîtres de manquer de foi ! »

Au moyen-âge on ne voyageait pas pour voyager ; on n’allait pas à Rome pour admirer les antiquités, pour rêver sur les ruines ; mais il y avait une classe d’hommes qui apportaient dans la ville apostolique une imagination ouverte aux impressions solennelles des lieux, avide surtout de légendes saintes, mais curieuse aussi, de merveilles de tous genres. C’étaient les pélerins.

Dans les premiers âges du christianisme, Jérusalem surtout fut le but sacré de ces pieux voyages. Déjà au ive siècle, saint Grégoire de Nysse, dans une lettre fameuse, en relevait sévèrement l’abus, et prévenait les pélerins et les pélerines contre les dangers de plus d’un genre qui les attendaient sur le chemin, et jusque dans les murs de la ville sainte. Mais pendant les quatre premiers siècles, il n’y eut point de pélerinage à Rome ; les protestans l’ont remarqué : dans les siècles suivans, quand Rome eut commencé à se constituer comme la tête et le cœur de la chrétienté, ce fut vers elle que se tournèrent les pélerinages, surtout ceux des hommes de race germanique. Tout le Borgo, faubourg réuni plus tard à la ville par Sixte-Quint, était peuplé de Francs, de Saxons, de Frisons, que la dévotion attirait au tombeau de saint Pierre. Les noms de certaines rues, de certaines églises, attestent encore quelle était la patrie des habitans de ce quartier. Bède nous apprend que les pélerinages à Rome étaient très fréquens en Angleterre au viie siècle. Loup de Ferrière, au ixe, recommande à tous les évêques deux prêtres de son monastère, qui, poussés par un mouvement divin, avaient résolu d’aller à Rome prier sur le tombeau des apôtres. Il paraît que c’était la formule consacrée en parlant de ceux qui se décidaient à faire ce pélerinage, car elle se reproduit plusieurs fois. De grands personnages donnaient l’exemple de cette dévotion aux