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PORTRAITS DE ROME.

ses, qui représentent probablement Castor et Pollux, portent sur leur base les noms de Phidias et de Praxitèle. Ces deux noms ont été mis là fort témérairement pour indiquer les sculpteurs auxquels on attribuait ces statues ; mais au temps des Mirabilia, on ne connaissait ni Phidias ni Praxitèle, et voici l’explication que l’imagination légendaire avait inventée pour rendre compte des deux colosses, de ces noms, et d’une autre statue assise et entourée de serpens qui était placée à leurs pieds, ayant une conque de marbre devant elle.

Phidias et Praxitèle étaient deux philosophes, venus à Rome sous Tibère, et noyés par son ordre, à qui le pape fit élever des statues après leur mort. Mais cette explication historique, toute satisfaisante qu’elle fût, ne suffisait pas à l’archéologie populaire ; il lui fallait aussi, comme à la docte archéologie de notre temps, une explication symbolique, et voici celle dont elle s’avisa : Les chevaux qui foulent la terre sont les puissances du siècle. Il viendra un prince des puissances qui montera les chevaux-mythiques. Les bras élevés, les doigts repliés des deux philosophes, font voir qu’ils comptent tout ce qui a été et qui sera. Ils sont nus, parce que la science humaine est nue et sans voile devant eux. La femme assise à leurs pieds, c’est l’église ; les serpens dont elle est entourée, ce sont les saints volumes (volumina.) La conque de marbre qui est devant elle, c’est la cuve baptismale. C’est ainsi qu’on interprétait les monumens de Rome au xiie siècle. Cela est décourageant pour le symbolisme de nos jours ; il ne fera jamais mieux.

La plus belle légende du recueil est celle qui concerne le Capitole : je vais traduire exactement.

« Le Capitole est le lieu où s’assemblaient les sénateurs et les consuls pour gouverner la ville et le monde. Il était couvert de remparts élevés et solides, d’édifices revêtus d’or et de cristal, et de lambris merveilleusement travaillés. Au-dessous de la citadelle était le palais qui était d’or en grande partie, et orné de pierres précieuses, et on disait qu’il valait le tiers du monde… Là étaient autant de statues qu’il y avait de provinces dans l’empire, et chacune avait une cloche suspendue à son cou, et elles avaient été disposées par un art magique, de telle sorte que dès qu’une contrée de l’empire romain s’était révoltée, aussitôt l’image de cette province