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sible de n’être pas frappé d’un aspect de force et de grandeur. Une longue et large avenue plantée de tilleuls, des deux côtés, unter den Linden, vous conduit au centre de la ville. Le premier monunent qui frappe vos regards est l’arsenal avec les statues des généraux Bulow et Scharnhorst ; Blücher est en face et seul. L’université vient après l’arsenal. Plus loin, on aperçoit le musée, dont la construction récente, magnifique et commode, atteste un culte intelligent de l’art ; seulement, à l’exception de quelques chefs-d’œuvre, la collection acquise d’un seul coup n’est pas toujours digne de son habitation. En transportant à Berlin les tableaux de Dresde, on aurait un des plus beaux musées de l’Europe. Le palais du roi, élevé sous le règne de plusieurs princes, sépare la ville de Frédéric, de l’ancienne ville. La statue du grand-électeur, sur un des ponts de la Sprée, rappelle celle de Henri iv sur la Seine, et, comme elle, représente des souvenirs qui ont plus d’un siècle.

Berlin avec ses larges rues, ses maisons neuves et alignées, a quelque chose des beaux quartiers de Londres, moins l’immense population qui se déploie sur les bords de la Tamise ; même il faudrait verser cent mille hommes de plus dans la capitale de la Prusse ; elle en a besoin, et, telle qu’elle est aujourd’hui, elle peut les tenir.

Au surplus, ne cherchez point ici tant la beauté des monumens que la force et le mérite des hommes. À Berlin, pas de nature, peu d’art ; des hommes et des idées ; l’armée et l’université ; la science et la guerre.

La volonté a créé la Prusse : l’esprit et le fer la défendent. Frédéric pourrait sortir de son tombeau de Potsdam ; il retrouverait sa Prusse avec ses soldats et ses savans, sa discipline et son intelligence ; et son adhésion ardente au régime de la force qui civilise.

Dans aucun autre endroit de l’Europe, l’effort du travail et de la pensée ne se fait plus sentir qu’à Berlin ; les ressorts de l’empire et de l’esprit y semblent toujours tendus, trop peut-être : on dirait que la moindre négligence et la moindre distraction peuvent tout compromettre et tout perdre ; mais cet emploi si fier de l’énergie et de la volonté a du charme pour l’intelligence et lui procure de vigoureux plaisirs. N’allez point à Berlin si les voyages ne sont