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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/614

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REVUE DES DEUX MONDES.

la religion révélée, ils ouvrent l’arène aux perturbateurs pour s’élancer en furieux contre l’ordre légal. »

Voilà Stein : loyal et borné, vertueux et dur, aimant ce qui est antique, traditionnel, les coutumes particulières, les franchises domestiques ; ennemi du siècle nouveau, de ses passions et de ses idées ; poussant la haine de la France jusqu’au délire, et puni de cette inimitié extravagante par l’ignorance complète des destinées et de la grandeur future du genre humain ; chagrin, humoriste, faisant de la religion un appui des vieilles choses, espèce de Caton l’Ancien, dont le patriotisme honnête, mais étroit, est déconcerté par les mouvemens du monde.

Tel n’était pas le prince de Hardenberg, esprit vaste et ouvert, aimable, vraiment noble, portant dans les affaires une facilité brillante et toujours sereine, dans les plaisirs les restes fougueux de l’ardeur que n’avait pas usée le travail, ayant des inclinations naturelles pour tout ce qui était grand et beau, aimant la science et l’art, et cherchant le secret de diriger les états et la vie dans l’harmonieuse satisfaction des facultés humaines.

Le cabinet de Berlin a confié aujourd’hui les affaires extérieures à un ministre que les lettres et la théologie ont occupé avant la politique ; M. Ancillon est toujours l’homme des tempéramens et du milieu : il tient honorablement sa place entre le génie et la médiocrité ; sa philosophie n’est pas plus décidée que sa politique ; son style n’a pas plus de vigueur que son administration ; tout reste dans une mesure honnête et convenable, toujours à l’abri de la force et de la grandeur.

Les vues personnelles du roi s’accommodent de la gestion modérée de M. Ancillon ; le roi veut continuer paisiblement le cours de sa vieillesse, et ne pas compromettre les prospérités qui ont réparé les disgrâces de la première partie de sa vie ; heureux, justement vénéré de son peuple, il s’attache à conserver les avantages acquis : ses goûts sont simples et ne dépassent pas les limites de la vie intérieure ; sa maison, qu’il préfère à son palais de roi, inspire, par sa noble modestie, une estime profonde pour celui qui l’habite. Le prince royal est l’objet de beaucoup d’espérances et de conjectures : on s’épuise à le deviner, il faut l’attendre sur le trône. L’habileté aux affaires humaines ne saurait se présumer, elle doit donner