Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/669

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
663
LA COMÉDIE AU IVe SIÈCLE.

Le dieu Lare.

Quel genre de pouvoir veux-tu que je te donne ?

Querolus.

Le pouvoir de dépouiller ceux qui ne me doivent rien, de frapper les étrangers et de ruiner mes voisins.

Le dieu Lare.

Ah ! ah ! mais c’est le brigandage que tu veux, et non le pouvoir ! Je ne sais pas, en vérité, comment te donner cela. Cependant j’ai trouvé le moyen de te satisfaire. Va sur les bords de la Loire.

Querolus.

Eh bien ?

Le dieu Lare.

Là on vit hors du droit des gens ; là point de fictions sociales ; là on prononce sous un chêne les sentences capitales et on les écrit sur des os ; là les paysans sont orateurs ; les simples particuliers sont juges ; là tout est permis ; si tu es riche, on t’appellera patus, car c’est ainsi qu’on parle aujourd’hui dans notre Grèce ! Ô forêts ! ô solitude ! qui donc a dit que vous êtes libres ? Je passe sous silence des choses encore bien plus importantes. Ce que je t’ai dit suffit.

Querolus.

Je ne suis pas riche, et je ne veux point des jugemens sous les chênes ; je ne veux point de cette justice des forêts. »


Cette république anarchique des bords de la Loire était composée de paysans révoltés, que les historiens ont appelés Bagaudes, Bagaudœ[1]. Cette Jaquerie anticipée donna lieu à une guerre, qu’on nomma bellum bagaudicum, et qui fut de peu de durée ; seulement quelques soulèvemens partiels eurent lieu encore jusqu’à la fin du règne de Constantin. Ce passage, comme on voit, donne, à quelques années près, la date exacte de notre pièce.

Enfin, le dieu Lare, avant de quitter Querolus, lui prédit un bonheur qui doit se réaliser dans la journée même. Avant la fin du jour, il sera devenu possesseur d’un trésor ; mais, à la manière des

  1. Du Cange sous le mot Bagaudœ a réuni dans son glossaire tous les témoignages relatifs à ce point curieux de notre histoire.