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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/67

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ANDRÉ.

pêche de lui dire une bonne fois : Monsieur mon père, j’aime une honnête fille, et j’ai donné ma parole de l’épouser. Je vous demande respectueusenient votre approbation, et je vous jure que je la mérite. Si vous consentez à mon bonheur, je serai pour toujours votre fils et votre ami ; si vous refusez, j’en suis au désespoir, mais je ne puis manquer à mes devoirs envers Geneviève. Vous êtes riche, j’ai de quoi vivre, séparons nos biens ; ceci est à vous, ceci est à moi, j’ai bien l’honneur de vous saluer. Votre fils respectueux, André. — C’est comme cela qu’on parle ou qu’on écrit.

— Eh bien ! Joseph, je vais écrire, tu as raison. Je laisserai la lettre sur une table, ou je la ferai remettre par un domestique après notre départ. Va préparer le char-à-bancs, mais prends bien garde qu’on ne te voie…

— Ah ! voilà une parole d’écolier qui tremble ! non, André, cela ne peut pas se faire ainsi. Je commence à voir clair dans ta tête et dans la mienne. J’ai des devoirs aussi envers Geneviève. Je suis son ami, je dois agir prudemment et ne pas la jeter dans de nouveaux malheurs par un zèle inconsidéré. Avant de courir après elle et de contrarier une résolution qu’elle a encore la force d’exécuter, il faut que je sache si tu es capable de tenir la tienne. Il ne s’agit pas de plaisanter, vois-tu ! Diantre, la réputation d’une fille honnête ne doit pas être sacrifiée à une amourette de roman !

— Tu es bien sévère avec moi, Joseph ! il y a bien peu de temps, tu te moquais de moi, parce que je prenais la chose au sérieux, et tu te jouais d’Henriette, comme jamais je n’ai songé à me moquer de ma chère, de ma respectée Geneviève.

— Tu as raison, je raisonne je ne sais comment, et je dis des choses que je n’ai jamais dites. Je dois te paraître singulier, mais à coup sûr pas autant qu’à moi-même. Pourtant c’est peut-être tout simple ; — écoute, André, il faut que je te dise tout.

— Mon Dieu ! que veux-tu dire, Joseph ? tu me tourmentes et tu m’inquiètes aujourd’hui à me rendre fou.

— Tâche de rassembler toutes les forces de ta raison pour m’écouter. Ce que je vois de ta conduite et de celle de Geneviève me fait croire que tu n’as pas grande envie de l’épouser… ne m’interromps pas. Je sais que tu as bon cœur, que tu es honnête et que tu l’aimes. Mais je sais aussi tout ce qui t’empêchera d’en faire ta