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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/68

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REVUE DES DEUX MONDES.

femme. Écoute. Geneviève est déshonorée dans le pays, mais moi je ne crois pas qu’elle ait été ta maîtresse… Je mettrais ma main au feu pour le soutenir…, elle est aussi pure à présent que le jour de sa première communion.

— Je le jure par le Dieu vivant, s’écria André, si mon ame n’avait pas eu pour elle un saint respect, son premier regard aurait suffi pour me l’inspirer !

— Eh bien ! ce que tu me dis là me décide tout-à-fait. Pèse bien toutes mes paroles et réponds-moi dans une heure, ce soir ou demain au plus tard, si tu as besoin de réflexions ; mais réponds-moi définitivement et sans retour sur ta parole. Veux-tu que j’offre à Geneviève de l’épouser ? si elle y consent, c’est dit !

— Toi ! s’écria André en reculant de surprise. — Oui, moi, répondit Joseph. Le diable me pourfende si je n’y suis pas décidé. Ce n’est pas une offre en l’air. C’est une chose à laquelle j’ai pensé douze heures par jour depuis la nuit où tu as été si malade. Je m’en repentirai peut-être un jour, mais aujourd’hui, je le sens, c’est mon devoir, c’est la volonté de Dieu. Geneviève est perdue, désespérée. Tu ne peux pas l’épouser, et si tu ne l’épouses pas, tu seras poursuivi par un remords éternel. Je suis votre ami. Une voix intérieure me dit : Joseph, tu peux tout réparer. On se moquera peut-être de toi ; mais ni Geneviève, ni André, ne seront ingrats envers toi. Ils consentiront à se séparer pour jamais, et un jour ils te remercieront.

En parlant ainsi, Joseph s’attendrit et s’éleva presque à la hauteur du rôle généreux et romanesque à l’abri duquel il espérait persuader à André de renoncer à Geneviève. Joseph n’était rien moins qu’un héros de roman. C’était un campagnard madré qui s’était épris sérieusement de Geneviève, et entrevoyait l’espérance de la séparer d’André, et, par un égoïsme bien excusable, il n’était pas fâché de hâter cette rupture. Mais pour rien au monde il n’eût appelé le mensonge à son secours. Son caractère était un singulier mélange de ruse et de loyauté. Aussi, quand il vit qu’André, dupe d’abord de sa fausse générosité, après l’avoir remercié avec effusion, refusait de renoncer à Geneviève, il abandonna sur-le-champ le rêve de bonheur dont il s’était bercé. Quand il entendit André parler de sa passion avec cette espèce d’éloquence dont il n’avait