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LA COMÉDIE AU IVe SIÈCLE.

dénote dans l’auteur un art très exercé et la connaissance de toutes les finesses des préparations dramatiques.

Mandrogerus laisse ses deux affidés en sentinelle, et va faire une reconnaissance autour de la maison.

Cependant Querolus sort de chez lui ; il n’a pas trouvé celui qui était entré dans sa demeure ; il voit bien que ce n’était pas un homme. Sycophanta et Sardanapalus reconnaissent dans Querolus celui qu’il faut tromper. Pour lui donner envie de faire connaissance avec Mandrogerus, les deux fourbes se mettent à vanter entre eux leur patron ; ils parlent de lui comme du plus grand astrologue, du plus prodigieux mathématicien, du plus habile magicien du monde entier. Querolus les aborde ; il les a entendus parler d’un grand astrologue ; il a justement besoin d’un pareil homme pour lui expliquer les paroles du dieu Lare. Celui-ci lui avait conseillé, comme on sait, de se laisser voler, d’appeler même le voleur, et il lui avait promis que de ce vol résulterait sa richesse. La manière dont les deux amis du prétendu magicien excitent la curiosité et la passion de Querolus ne manque pas d’adresse. Ils se font prier, implorer, conjurer de le conduire près de Mandrogerus ; mais, tandis qu’ils enflamment ainsi ses désirs par leurs refus, Mandrogerus arrive. La scène fort longue qui s’engage alors entre Querolus et lui est une satire et une parodie fort piquante du langage et des cérémonies bizarres, employés au ive siècle, par la foule alors nombreuse des astrologues et des magiciens. L’entêtement de l’astrologie en était venu à un tel point, que les empereurs Valentinien et Valens furent obligés de porter des lois contre la magie[1]. Le 35e canon du concile de Laodicée, tenu en 320, défendit aux clercs de s’adonner à la magie, aux mathématiques et à l’astrologie. Vers cette époque, Julius Firmicus Maternus écrivait un poème sur le pouvoir des étoiles. Cette scène, qui fait justice d’une des folies régnantes au ive siècle, devait être alors infiniment plus amusante qu’aujourd’hui. Cependant Mandro-

  1. Une persécution violente, à laquelle le parti chrétien paraît n’avoir pas été étranger, éclata sous Valens contre les philosophes païens ; on confondit dans l’accusation la philosophie et la magie. Beaucoup d’hommes de lettres périrent, et un très grand nombre de bibliothèques furent saccagées et brûlées.