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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

la jambe droite. Cette jambe, ramenée en arrière, et placée sur une éminence, donne au corps tout entier quelque chose de maniéré, et de plus la jambe gauche ne porte pas. Le manteau n’est pas lourd comme celui du roi dans le portrait de M. A. Shee ; mais il est inutile, et n’ajoute rien à la grâce des lignes. La tête, modelée avec soin et solidement, manque d’animation et de simplicité. J’ai tout lieu de croire qu’elle n’a pas été trouvée du premier coup. Le pinceau a plusieurs fois changé de direction et de volonté avant de se reposer. S’il fallait rendre d’un seul mot ce que je pense de ce portrait, je dirais que l’auteur a voulu trop bien faire.

Je préfère à cet ouvrage un autre portrait du même auteur, celui de sir Bryan Holme. Cette dernière toile se compose bien, et se distingue par une remarquable gravité. La tête, studieuse et recueillie, regarde sérieusement, et n’a rien de cette tracasserie procédurière qui trop souvent domine la physionomie des jurisconsultes.

La couleur des portraits de M. Pickersgill, sans être éclatante, n’est cependant pas mauvaise. Elle n’est ni hasardée, ni criarde ; elle est sobre, et se reprocherait volontiers les teintes crues et tranchées comme une étourderie ou plutôt comme une improbité.

M. Morton a peint, pour le Naval-Club, un portrait de Wellington dans l’attitude d’un héros de mélodrame. C’était bien assez d’avoir placé sous les fenêtres de S. G. une statue d’Achille, fondue avec les deniers des dames anglaises. Il y avait, dans cette apothéose à bout portant, une magnificence de ridicule qui semblait avoir épuisé la raillerie. M. Morton a cru qu’il pouvait lutter dignement avec le piédestal de Hyde-Park ; il a mis sous le bras droit de S. G. un canon qui voudrait menacer la foule, mais dont la couleur inoffensive simule plutôt le bois que le bronze. Si le noble duc n’a pas d’autre épouvantail que cet innocent canon pour balayer l’émeute qui lapide son palais, je le plains de toute mon âme.

Qu’après boire, dans un dîner conservateur, les amis du noble duc s’enrouent à chanter sa louange, qu’ils proclament Wellington au-dessus de Napoléon, qu’ils le proposent en exemple à tous les réformistes obstinés comme un modèle irréprochable de constance et de patriotisme, il n’y a, dans cet enthousiasme enfantin, rien que de naturel et de très excusable ; les paroles avinées ne sont pas