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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/691

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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

l’ébène de la chevelure, le sourire des lèvres, invitant et pudique, le regard humide et velouté qui s’échappe des cils longs et soyeux, font de cette tête un chef-d’œuvre de grace et de beauté. — L’Intérieur d’une posada après un combat de taureaux est d’une composition parfaite ; l’expression des physionomies est ingénieusement variée, mais sans manière et sans afféterie. La joie peinte sur le visage des buveurs n’a rien de grimaçant ; ils s’entretiennent joyeusement des beaux coups qu’ils ont encouragés de leurs applaudissemens ; ils vantent à l’envi l’adresse et la force des combattans ; l’attitude de tous les personnages est à la fois énergique et naturelle ; la vigueur et la santé sont inscrites dans tous leurs mouvemens. À tout prendre, c’est un beau et riche tableau.

Un moine de Séville prêchant pour son couvent a fourni à Lewis l’occasion de révéler une nouvelle face de son talent. La crédulité superstitieuse, l’ignorance effrayée, la confiante espérance, l’aveugle soumission, exprimées par l’auditoire, donnent à cette scène un caractère de vérité, je dirais presque d’authenticité ; le prédicateur paraît profondément pénétré, non pas de ce qu’il dit, mais de la nature grossière des intelligences qu’il manie. Il n’enseigne pas, il épouvante. Il n’essaie pas de rassurer les ames tremblantes, de ramener au bercail les brebis égarées, de convertir la débauche ou d’éclairer les ténèbres ; il ne tente pas d’ouvrir le ciel à l’oisiveté impénitente : il menace de l’enfer les aumônes paresseuses. Il y a dans son geste quelque chose d’impérieux et de militaire. C’est une création que Salvator n’eût pas dédaignée.

Il serait fort à souhaiter que Lewis parcourût le reste de l’Europe avec le même profit que l’Espagne. Il a eu le bon esprit de ne pas voir trop à la hâte ; il n’a pas esquissé Grenade et Séville sans quitter la selle de sa mule. C’est un mérite vulgaire en apparence, mais dont nous devons pourtant le remercier ; car il devient plus rare de jour en jour. Au temps où nous vivons, la plupart des voyageurs, artistes ou philosophes prétendus, ne se donnent guère le temps de regarder. À peine ont-ils mis pied à terre, qu’ils saisissent leur crayon ou leur plume. Comme s’ils étaient de la seconde vue écossaise, ils concluent à priori sans se résigner à l’étude. Ils veulent achever en six mois ce qui suffirait à la tâche de plusieurs