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rendre cette révolution bienfaisante. Ainsi, voyant déjà les maux qu’entraîne la démocratie, nous ignorons encore ses avantages naturels.

Dans ce douloureux état de transition, M. de Tocqueville croit que le seul parti sage qu’on puisse prendre, est de régulariser le mouvement qui nous est propre, d’instruire notre société irrésistiblement entraînée à la plus complète égalité des conditions, de ranimer, s’il se peut, ses croyances, de purifier ses mœurs et de substituer peu à peu la science des affaires à son inexpérience. »

Telles sont les idées générales qu’il expose dans une franche introduction. Également éloigné d’un aveugle esprit de résistance et de toute confiance irréfléchie en un type de gouvernement quelconque, c’est avec autant d’impartialité que de facile pénétration, dans un langage clair et digne, qu’il interroge ensuite les souvenirs de la république américaine, et la suit depuis son origine jusqu’à ses derniers développemens.

À l’époque où les premiers colons descendirent sur les rivages du Nouveau-Monde, les traits de leur caractère national étaient déjà bien dessinés. Nés dans un pays où les différens partis avaient été obligés de se placer tour à tour sous la protection des lois, leur éducation politique s’était faite à cette rude école, et l’on voyait parmi eux plus de notions des droits ou de la vraie liberté que chez la plupart des peuples de l’Europe. Ils apportaient les habitudes du gouvernement communal, ce germe fécond des institutions libres, et avec lui le dogme de la souveraineté du peuple, introduit au sein même de la monarchie des Tudors.

De grands seigneurs avaient essayé de s’y établir avec d’immenses priviléges ; mais il se trouva que leurs propriétés, ne pouvant enrichir à la fois un maître et un fermier, furent bientôt morcelées en petits domaines que le propriétaire seul cultivait. Ainsi les émigrans n’avaient aucune idée de supériorité les uns sur les autres, et leur nouvel établissement repoussait l’aristocratie territoriale.

La Virginie reçut la première colonie en 1607. Ce furent des chercheurs d’or, des aventuriers, qui s’en emparèrent, puis des industriels et des cultivateurs, race plus morale, mais qui ne s’élevait presque en aucuns points au-dessus des classes inférieures de l’Angleterre. À peine étaient-ils établis, qu’on introduisit parmi eux cette plaie de l’esclavage, qui eut une si fatale influence sur les mœurs, les lois et l’avenir tout entier du sud de l’Union.

Aux colonies anglaises du Nord, plus connues sous le nom de Nouvelle-Angleterre, appartient l’honneur d’avoir combiné les idées qui forment aujourd’hui les bases de la théorie sociale des États-Unis, et qui ont en-