Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
REVUE DES DEUX MONDES.

lèle. C’est là tout, ce nous semble, avec les articles de polémique quotidienne qu’il écrit maintenant pour la Doctrine, comme il les écrirait pour tel autre système qui présenterait les mêmes garanties à sa fortune politique. La presse lui a donné, elle, richesses et puissance, une chaire en Sorbonne, une place au conseil d’état et la députation, et qui sait jusqu’où iront ses libéralités ? Elle n’ignore pas que le jeune député nourrit dès-long-temps des espérances plus hautes, et soyez assuré qu’elle lui sera un appui fidèle, lorsque le simple matelot qui a tant exploré la terre ministérielle, croira le moment venu de prendre en mains le gouvernail. Vous voyez bien que la presse est une maîtresse facile, une reine débonnaire, qui n’est ni ingrate ni oublieuse, et qu’il faut bien moins de talent que d’esprit et de volonté pour captiver ses faveurs.

Mais il n’y a en tout ceci que des rapports bien éloignés avec les Mélanges que M. Saint-Marc Girardin appelle Notices politiques et littéraires sur l’Allemagne. Pour le moment, nous n’avons qu’à nous occuper du livre, que les Allemands ont, à notre avis, traité avec un peu de dédain.

Dans la partie des Notices consacrée à la politique, M. Saint-Marc Girardin expose l’état de l’Allemagne ; il demande l’unité germanique, et il l’espère… Pour quelle époque ? Nous ne savons. C’est chose assez problématique pour qu’en la rêvant peut-être dans l’avenir, on ne puisse pas lui assigner de terme. Sans doute, s’il ne fallait qu’enlever toutes ces minces clôtures qui séparent les petites principautés, et réunir sous une même dénomination les habitans de Cobourg, de Saxe-Meinengen, de Weimar, les Hessois, les Westphaliens, le duché de Nassau et celui de Bade, etc., je crois que l’entreprise ne serait pas très difficile. Nous croyons même que si l’on en était venu là, on pourrait bien ôter toute espèce de contrepoids aux royaumes de Saxe, de Bavière, de Wurtemberg. Mais l’Autriche, mais la Prusse, ces deux nations rivales qui aspirent toutes deux à dominer l’Allemagne, l’une par l’ascendant de ses vieilles traditions, l’autre par l’énergie d’une puissance qui se développe, et la perspicacité de ses vues d’avenir, comment formera-t-on jamais une unité de ces deux moitiés d’empire que l’intérêt seul du moment peut rapprocher ? Comment faire baisser la tête à cette antique aristocratie de Vienne devant l’ancien petit duché de Brandebourg ? comment croire que Berlin, cette ville si active, si intelligente, si animée, cette reine du Nord, s’incline jamais devant cette capitale de l’Autriche, devant cette vieille douairière de l’Allemagne, dont elle démêle fort bien la faiblesse et les rides à travers les couronnes de diamans et les manteaux d’empereur qui la recouvrent. Parlez-nous de cette unité morale, de cette unité intellectuelle de la nation allemande ; c’est bien : le mot de Germania