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NOTICES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES.

embrasse tout ; le nom d’Allemand fait battre tous les cœurs, et nous avons vu, en 1813, comment ce peuple savait se rallier sous un même drapeau, avec un même cri de guerre et un même enthousiasme. Mais quant à cette unité matérielle, absolue, qui ne peut reconnaître qu’un centre d’action et un gouvernement, il faut des siècles entiers pour en venir là, si jamais on doit y venir.

M. Saint-Marc Girardin se complaît surtout à parler de l’Autriche et de la Bavière. Il y a des gens qui lui ont reproché les éloges qu’il donne à ces deux pays. Eh bien ! nous, nous sommes sûrs qu’il est de très bonne foi, et nous avouons que l’Autriche, vue d’une certaine façon, doit être une délicieuse contrée. Supposons, par exemple, que vous voyagiez aux frais du gouvernement, c’est-à-dire fort à votre aise, sans vous inquiéter du prix des voitures, ni de la cherté des hôtelleries, attendu que le budget est là derrière vous, qui ne sait pas chicaner avec un postillon, ou un valet de chambre. Vous traversez rapidement, en vous berçant dans une bonne chaise de poste, le beau pays de Saltzbourg aux romantiques souvenirs. Vous avez avec vous un passeport qui vous sauve des perquisitions de la douane, et des lettres de recommandation qui attendrissent la police elle-même. Vous voilà à Vienne. Vienne est une ville très curieuse par ses monumens, très belle par ses environs. Vous la visitez sous le patronage de quelque grand seigneur, non pas à pied, ce serait trop long, mais dans un coupé officiel dont les glaces ne se baissent ni devant la prison, ni devant la masure, mais devant les palais des princes, les cathédrales gothiques, ou les magnifiques points de vue qui se présentent au-delà des boulevards. De là, vous allez à Bade. C’est, en été, un lieu de réunion charmant, un petit monde de choix, une ville toute pleine de princes, toute parfumée d’aristocratie, tout éclatante d’épaulettes, de décorations et de rubans. On y passe une vie très douce ; on s’y retrempe dans je ne sais quelle atmosphère supérieure à laquelle la foule ne peut atteindre. Là, vous n’avez qu’un signe à faire, et tout ce que vous pourriez regretter de Vienne accourt dans cet Élysée de Bade ; l’opéra y vient avec ses dieux et ses machines, ses héros et ses danseuses ; l’orchestre avec ses convois d’instrumens ; l’artiste avec sa palette, et je ne sais quoi encore. Pour vous qui êtes les rois de cet empire et les divinités de ce temple, vous n’avez qu’à vous laisser aller à tous les enchantemens qui vous arrivent dans les salons de la noblesse, dans les parties de campagne, aux jours de grande fête, et aux soirées intimes. De Bade, vous revenez à Vienne. Vous avez fait vos preuves d’homme d’esprit et d’homme du monde. Vous n’avez point eu la sottise de montrer trop de libéralisme, et de lancer, comme une fusée incendiaire, au milieu de cette belle noblesse