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NOTICES POLITIQUES ET LITTÉRAIRES.

chapeau bas, jusqu’à ce qu’elle ait passé. Le cavalier descendra de cheval, et les personnes en voiture feront arrêter leur voiture. »

Le lendemain, le roi va à la chasse, et aperçoit un étudiant qui restait là, sa casquette sur la tête. Le roi descend de cheval, accourt vers lui : Me connais-tu ? dit-il. — Non, monsieur, répond l’étudiant. — Or, il faut vous dire que S. M. n’a rien moins qu’une tournure royale, et que, pour ne pas exposer ses sujets à enfreindre involontairement son édit, il aurait bon besoin d’écrire sur son chapeau :


Je suis Gillot, berger de ce troupeau.


— Ah ! tu ne me connais pas ? ajoute le roi. — Non, monsieur, dit le pauvre étudiant, qui commençait pourtant à avoir peur. — Tu es un insolent. — Et il lui arrache sa casquette. Alors il arriva une scène fort plaisante. Un chambellan, qui avait admiré l’héroïsme de son maître, aperçut, à quelques pas de lui, un Anglais qui contemplait cette scène avec tout le flegme britannique, et ne pensait pas à se montrer plus sage que l’étudiant. Le chambellan s’élance avec colère et lui jette son chapeau par terre. L’Anglais riposte par un soufflet ; et comme c’était un membre du parlement, un colonel, un homme puissant enfin, le lendemain, le chambellan fut obligé d’aller lui faire ses excuses.

À part cette belle partie de la Bavière où Vurtzbourg élève son vieux dôme au milieu des coteaux de vignes, où Bamberg s’étage toute radieuse au-dessus des plaines couvertes de houblons, le reste du royaume est une pauvre contrée. On y trouve peu de culture, peu d’industrie, presque point de commerce, et Nuremberg et Augsbourg doivent y pleurer leur prospérité et leurs jours de gloire d’autrefois. Munich, que M. Saint-Marc Girardin nous dépeint comme une ville merveilleuse, représente dans son enceinte tout le malaise, tous les vices radicaux du royaume. Il y a là moins de journaux, moins de libraires, moins de mouvement intellectuel que dans une des villes secondaires de la Saxe ou de la Prusse. On n’y imprime que des livres d’église, on n’y fabrique que de la bière.

Le roi de Bavière a cru se faire pardonner toutes ses erreurs de roi en affichant un amour excessif pour les arts ; mais encore faut-il que cet amour, si noble qu’il soit, trouve une sanction dans les moyens qu’il possède légalement de se satisfaire. Aujourd’hui, il construit tout à la fois un nouveau palais, une chapelle byzantine et deux musées ; tout cela bâti sur la plus grande échelle, peint à fresque et orné avec une magnificence toute royale. C’est une entreprise gigantesque à laquelle il faudrait la main d’un Louis xiv, et le pauvre roi Louis de Bavière n’est pas un