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nie, et la joie bruyante qui préside à leurs jeux. J’ai rencontré souvent des groupes d’Osages, assis autour d’un grand feu, se livrant jusqu’à une heure avancée de la nuit à des conversations fort animées, et faisant par intervalles retentir les bois de leurs cris et de leurs rires.

« Je me suis également convaincu que les Indiens ne sont pas plus indifférens à la douleur qu’à la joie. Ils versent des larmes en abondance, souvent réelles, souvent affectées. On dirait qu’ils se font un mérite de ce signe extérieur de sensibilité. Personne ne pleure plus amèrement et plus long-temps qu’un Indien, à la mort d’un de ses proches ; il en est même qui se rendent sur les tombes, pour y pousser des gémissemens.

« Enfin, autant que je puis en juger, l’Indien, tel qu’on nous le représente en poésie, n’est, comme le berger des églogues, qu’une pure personnification de caractères imaginaires. »

L’auteur nous fait connaître toutes les circonstances qui ont précédé son voyage et tous les préparatifs nécessaires pour une telle expédition. Il nous représente d’abord l’escorte de chasseurs qui lui est indispensable, puis l’ordre de la marche, la composition de la troupe, le caractère de ses principaux compagnons. Rien n’est curieux comme ces descriptions, pour nous surtout dont les habitudes sont si étrangères à ces sortes d’entreprises aventureuses. C’est au commencement du mois d’octobre que, parti de Saint-Louis, chef-lieu du Missouri, il arrive au fort Gibson, situé sur la frontière des états, au confluent de la Grande-Rivière et de celle des Arkansas. Après quelques jours de marche, pendant lesquels une foule d’incidens viennent exciter l’ardeur des voyageurs, après des rencontres fréquentes d’Indiens, et de nombreux exploits de chasse, la joyeuse caravane, loin de toute habitation humaine, partage enfin tous les hasards de la vie sauvage. Au point de séparation des terres explorées par les Européens et des lieux où règnent exclusivement les peuplades indigènes, l’auteur signale un fait singulier que nous aimons à rapporter dans les termes même de son récit :

« La forêt où nous avions établi notre camp contenait, dit-il, une infinité d’arbres dont les troncs vermoulus servaient de ruches à des essaims innombrables d’abeilles. C’est une chose vraiment surprenante que l’accroissement qu’ont acquis depuis quelques années ces familles d’abeilles sauvages, dans toute l’extrémité occidentale du continent. Les Indiens considèrent leur agglomération sur un même point comme l’indice infaillible de l’approche de l’homme blanc, de même que la présence du buffle annonce celle de l’homme rouge ; ils disent qu’à mesure que les abeilles s’avancent, le buffle et l’Indien se retirent. Remarquez que, dans notre propre pensée, le bourdonnement de ces insectes annonce toujours la