Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
REVUE DES DEUX MONDES.

forment ; les bois s’abattent ; l’eau gronde dans les canaux ; le sol est bouleversé ; les manufactures naissent ; les machines sifflent, murmurent, enfantent leurs produits ; les villes sortent de terre comme les fungus après la pluie ; la vapeur et les chemins de fer anéantissent l’espace et multiplient la terre. Poésie ! poésie ! toi qui veux le silence, l’ombre, le bonheur du repos ; toi qui n’es féconde que loin de l’activité matérielle et de la production brute, tu n’as rien à faire en un tel pays.


Mais du moins l’éloquence et l’histoire devraient y prospérer. La parole est un pouvoir énorme, un levier sans égal, là où nul intérêt n’échappe à la discussion publique. Nous n’avons point assisté aux séances du sénat américain, et nous ne pouvons juger cette éloquence républicaine que d’après les rapports des voyageurs, qui tous s’accordent à lui reprocher la diffusion, la prolixité, le pédantisme même[1].

Je n’ai lu qu’un seul passage de Daniel Webter qui ait produit sur moi l’impression de la haute éloquence. « Dans les assemblées politiques des États-Unis, il semble, dit Hamilton, que parler long-temps équivaille à bien parler. »

Les Américains des États-Unis ont regardé comme un modèle d’éloquence le discours prononcé par Everett, homme d’ailleurs distingué, après la mort de Lafayette. Faneuil-Hall, le berceau de l’Union américaine, était orné de draperies ; un théâtre s’élevait au milieu de la grande salle ; on voyait d’un côté le buste de Lafayette, d’un autre le portrait de Washington ; on avait voilé d’un crêpe cette statue et le portrait. Tout était calculé pour l’effet dramatique. J’avoue qu’après avoir lu attentivement cette composition imprimée, il m’est difficile d’y trouver autre chose qu’une véritable amplification de rhétorique. Après s’être adressé successivement à la statue et au portrait, l’auteur s’écrie : « Vents qui avez conduit ici les pèlerins puritains, allumez dans les cœurs de leurs petits-fils

  1. Sans parler de mistriss Trollope, dont la partialité est évidente, on peut consulter à ce sujet Basil Hall, Hamilton, Arwensled, le Backwoodsman in America, et même les écrivains des Revues américaines, qui ne ménagent pas leurs compatriotes.