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le christianisme, nous plaçons au-dessus de lui le génie même de l’humanité ; et voilà pourquoi nous prenons pour fondement de notre politique la souveraineté de l’esprit humain et du peuple, interprète toujours grandissant de l’esprit humain.

L’ingénieuse polémique que les écrivains de la Gazette de France renouvellent chaque jour contre l’école doctrinaire n’entame en aucune façon la cause de la philosophie moderne et de la révolution française : nous concédons volontiers que les hommes politiques appelés doctrinaires ont commis une étrange inconséquence en désertant la légitimité historique. Mais dans le fond des choses les écrivains royalistes de la Gazette n’ont pas fait de modifications progressives à leurs anciennes opinions. Ils veulent toujours incorporer l’unité sociale dans la monarchie, et incorporer la monarchie dans la dynastie proscrite. Ils veulent encore rendre l’esprit moderne immobile dans les traditions du christianisme, telles qu’elles ont été rédigées par la plume de Bossuet. Ils n’ont donc fait aucune avance véritable au génie du siècle, et pendant que la société chemine, ils sont restés à la même place.

Cependant sur un autre point nous devons remarquer quelques efforts pour renouveler l’apologie et l’enseignement du christianisme. M. Bautain a publié récemment une correspondance religieuse avec ses disciples. Par elle, le public a pu pénétrer dans les secrets du prosélytisme exercé par le prêtre et le professeur. M. Bautain a pris pour règle de conduite et de méthode dans l’enseignement du christianisme cette maxime d’Anselme : Sicut rectus ordo exigit, ut profunda christianœ fidei credamus, priusquam ea prœsumamus ratione discutere ; ita negligentia mihi videtur si, postquam confirmati sumus in fide, non studemus quod credimus intelligere. — « Comme l’ordre véritable exige qu’on croie les vérités fondamentales de la foi chrétienne, avant de se permettre de les discuter par la raison ; ainsi, il y aurait, ce me semble, de la négligence à ne pas tâcher d’acquérir l’intelligence de ce qu’on croit, après qu’on s’est affermi dans la foi. »

La méthode du prêtre platonicien est donc d’abattre la raison et le raisonnement, d’affecter l’ame, d’émouvoir et de chatouiller sa sensibilité, de profiter de son trouble pour la précipiter dans