Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
236
REVUE DES DEUX MONDES.

mais non pas toute vérité, parce que le christianisme est dans le temps. Il est donc possible de façonner avec le christianisme un système philosophique complet sous le rapport de l’art et de la méthode ; il est doux et commode d’embrasser cette image artificiellement élevée, comme l’image même de la vérité ; il est plus grand de la laisser derrière soi pour marcher à des régions inconnues.

Voilà ce que n’ont pas compris les jeunes hommes qui, après avoir vu tomber les illusions et les formes du saint-simonisme, se sont rejetés en arrière avec terreur dans les anciennes croyances. Nous avons sous les yeux un écrit : Retour au christianisme de la part d’un saint-simonien, par Alphonse Dory. L’écrit a peu de force, mais il témoigne d’une disposition d’ame commune à plusieurs. Parce que la religion improvisée du saint-simonisme n’a pu tenir, parce que des fragmens d’opinions et de systèmes mal associés ensemble se sont disjoints et séparés, plusieurs ont conclu que dans les conceptions, les désirs et les pressentimens de la philosophie moderne, tout était faux, et ils n’ont fait qu’un bond de l’apostolat novateur dans la sacristie. Enfans !

Au surplus ces chutes sont ordinaires, quand la tête est faible, car alors on ne peut soutenir la contemplation des choses humaines dans leur sévère réalité ; on est épouvanté de trouver si laborieuse la conquête du vrai, et cet effroi vous fait embrasser avec fureur l’autel des vieilles divinités. Un quiétiste disait : J’aime mieux prier Dieu dans mon fauteuil qu’à genoux ; je prie mieux, et c’est plus commode. Combien, dans le travail des idées, préfèrent aussi le fauteuil à une marche persévérante ! On s’assied dans un petit coin, on s’y tapit, on s’y arrange ; on s’y ménage un demi-jour sur tous les points ; on se défend contre les clartés importunes et les lueurs trop vives, on se nourrit, on se rassasie avec le connu ; on se sauve des soupçons douloureux et des émotions cuisantes que peut jeter dans l’ame l’avenir du monde et de la vérité.

Au milieu des luttes des vieilles croyances et des idées nouvelles, il faut relever quelques réminiscences de l’école du xviiie siècle, dernier écho d’une grande époque. L’été dernier, M. Reghellini, de Schio, a publié un Examen du mosaïsme et du