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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/329

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LA QUENOUILLE DE BARBERINE.

loigner. Permettez-moi de ne pas faire mon éloge ; vous comprenez que je fus forcé de les tuer tous les trois. Après un combat des plus sanglans…

ROSEMBERG.

Reçûtes-vous quelque blessure ?

LE CHEVALIER.

L’un d’eux seulement faillit me percer de sa lance ; mais l’ayant évitée, je lui déchargeai sur la tête un coup d’épée si violent, qu’il tomba raide mort. M’approchant aussitôt de la jeune fille, je reconnus en elle une princesse qu’il m’est impossible de vous nommer.

ROSEMBERG.

Je comprends vos raisons, et me garderai bien d’insister ; la discrétion est un principe pour tout homme qui sait son monde.

LE CHEVALIER.

De quelles faveurs elle m’honora, je ne vous le dirai pas davantage. Je la reconduisis chez elle, et elle m’accorda un rendez-vous pour le lendemain ; mais le roi son père l’ayant promise en mariage au pacha de Caramanie, il était fort difficile que nous pussions nous voir en secret. Indépendamment de soixante eunuques qui veillaient jour et nuit sur elle, on l’avait confiée depuis son enfance à la garde d’un géant nommé Molock.

ROSEMBERG.

Garçon ! apportez-moi une autre bouteille.

LE CHEVALIER.

Vous concevez quelle entreprise ! pénétrer dans un château inaccessible, construit sur un rocher battu par les flots, et entouré d’une pareille garde. Voici, seigneur étudiant, ce que j’imaginai ; prêtez-moi, je vous prie, votre attention.

ROSEMBERG.

Sainte Vierge ! le feu me monte à la tête !

LE CHEVALIER.

Je pris une barque, et gagnai le large. Là, m’étant précipité dans les flots, au moyen de certain talisman que m’avait donné un sorcier bohémien de mes amis, je fus rejeté sur le rivage, semblable en tout à un noyé ; c’était à l’heure où le géant Molock faisait sa ronde autour des remparts ; il me trouva étendu sur le sable, et me transporta dans son lit.

ROSEMBERG.

Je devine déjà ; c’est admirable.