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LA QUENOUILLE DE BARBERINE.

votre reine en cheveux gris, mon enfant, je pourrais mettre dans la balance quelques paroles que vous ne savez pas. Qui vous a donc appris, si jeune, à mépriser votre nourrice ? Vous qui sortez apparemment de l’école, est-ce là ce que vous avez lu dans les yeux bleus des jeunes filles qui puisaient de l’eau dans la fontaine de votre village ? Vraiment ! le premier mot que vous avez épelé sur les feuilles tremblantes d’une légende céleste, c’est le mépris ? Vous l’avez à votre âge ? je suis donc plus jeune que vous, car vous me faites battre le cœur. Tenez, posez la main sur celui du comte Ulric ; je ne connais pas sa femme plus que vous, mais je suis femme, et je vois comment son épée lui tremble encore dans la main. Je vous gage mon anneau nuptial que sa femme lui est fidèle comme la Vierge l’est à Dieu.

ULRIC.

Reine, je prends la gageure, et j’y mets tout ce que je possède sur terre, si ce jeune homme veut la tenir.

ROSEMBERG.

Je suis trois fois plus riche que vous.

LA REINE.

Comment t’appelles-tu ?

ROSEMBERG.

Astolphe de Rosemberg.

LA REINE.

Tu es un Rosemberg, toi ? Je connais ton père ; il m’a parlé de toi. Va, va, le comte Ulric ne gage plus rien contre toi ; nous te renverrons à l’école.

ROSEMBERG.

Non, sacrée majesté. Il ne sera pas dit que j’aurai reculé, si le comte tient le pari.

LA REINE.

Et que paries-tu ?

ROSEMBERG.

S’il veut me donner sa parole de chevalier qu’il n’écrira rien à sa femme de ce qui s’est passé entre nous, je gage mon bien contre le sien, ou du moins jusqu’à concurrence égale, que je me rendrai dès demain au château qu’il habite, et que ce cœur de diamant sur lequel il compte si fort ne me résistera pas long-temps.

ULRIC.

Je tiens, et il est trop tard pour vous dédire ; vous avez parlé devant la reine, et puisque sa présence auguste m’a obligé de baisser l’épée,