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REVUE DES DEUX MONDES.

« Mouvemens et Moyens, s’écrie-t-il, vous êtes en guerre sur mer et sur terre avec le vieux sentiment politique ; n’importe ! le poète ne vous jugera pas injustement pour cela ! Votre présence qui trouble et ternit l’aspect gracieux de la nature n’empêchera pas l’Esprit de pressentir les glorieux changemens que vous préparez, et de se placer à ce point de vue d’où il peut découvrir et prophétiser les révolutions dont le germe est en vous. En dépit de la rudesse de vos traits que la Beauté désavoue, la Nature embrasse et reconnaît l’Art de l’homme comme son fils légitime. Le Temps, ravi de vos triomphes sur son frère l’Espace, accepte de vos mains hardies la couronne d’espérance, et il vous regarde avec un sourire d’encouragement sublime. »

Non, toute inspiration sublime n’est pas éteinte. Il ne s’agit point de relever les autels de l’antique Apollon, mais un Dieu des vers plus jeune peut s’introniser : la vieille lyre des vieux bardes s’est brisée à jamais ; mais une nouvelle lyre sera inventée qui aura ses nouvelles cordes et sa nouvelle harmonie. Le nouveau poète chantera la nature sur un nouveau mode. Ainsi, dit-il, quittant sa retraite pour s’en aller en pèlerinage autour de l’Écosse :

« Adieu, lauriers du Rydal ! vous qui avez poussé et avez étendu votre feuillage comme si vous aviez prévu qu’il ombragerait sur cette belle montagne un poète selon vous, un poète qui ne se risqua jamais à courtiser le dieu des vers pour obtenir une couronne delphique ; mais qui, s’égarant en toute saison parmi vos touffes vertes, met son humble joie à tresser en guirlandes les humbles fleurs qu’il a vues se semer elles-mêmes sous la protection de vos rameaux. Adieu ! Il n’y a plus maintenant de ménestrels qui s’en aillent errer tout l’été loin de leur maison, emportant avec eux la harpe qui accompagnait les ballades. Mais il reste encore une langue à la poésie pour encourager le pèlerin sur lequel elle répand son esprit, tandis qu’il traverse les marais solitaires, ou qu’il s’assied rêveur au milieu des grandes salles abandonnées ! »

Toutes les citations qui précèdent ne sont qu’une expression variée de l’individualité de notre poète ; il ne cesse pas d’y parler en son nom. Nous les avons choisies à dessein aussi. C’est par elles que nous avons voulu qu’il achevât de s’expliquer lui-même. Ajoutons, pour terminer, quelque lignes d’un fragment qu’il a placé en forme d’épilogue à la fin de son nouveau volume :
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« C’est ici que je dois m’arrêter ! C’est ici que je dois m’incliner devant la nature, devant les hommes selon elle, les hommes vraiment