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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

hommes. Tous leurs dehors sont rudes et grossiers, mais que la prière est fervente en leur âme ! que d’encens monte à leurs lèvres ! C’est comme la pauvre chapelle de la montagne dont le toit crevé laisse entrer le soleil et la pluie, et où Dieu est pourtant mieux adoré que sous le dôme somptueux du temple éblouissant d’or. Oui, ce sont ces hommes-là que je chanterai si l’avenir me garde la force et les années ; ce sont leurs louanges que je dirai. Alors mon vers abordera hardiment des sujets dignes de la poésie. Mon inspiration sera sainte et vraie, car je parlerai des vertus obscures, des mérites méconnus, et je demanderai justice pour eux. Ainsi, peut-être instruirai-je et consolerai-je ; peut-être ma voix communiquera-t-elle l’enthousiasme, l’amour et l’espérance. Je n’aurai pas d’autre texte que le cœur de l’homme, mais toujours de cet homme choisi parmi les meilleurs, de cet homme naïf que sa foi soutient et exalte, qui a puisé tous ses enseignemens dans quelques bons livres lus en présence de la nature. Je prendrai ses souffrances qui sont des joies ; je prendrai ses affections innocentes et je les conterai pour l’honneur de l’humanité. Ce sera ma destinée de suivre courageusement cette voie que je me trace ; ce sera ma gloire d’avoir osé marcher sur ce terrain sacré, d’avoir proclamé, non point des rêves, mais les choses divines de la terre. »
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Ce dernier morceau faisait partie d’un poème que Wordsworth écrivait il y a trente ans ; c’était la conclusion d’un de ses premiers essais qui n’a jamais été publié. Certes, le vieillard peut dire aujourd’hui qu’il a glorieusement justifié tout ce beau programme de poésie du jeune homme.


Y…