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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/387

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REVUE. — CHRONIQUE.

et rappellent le goût véritablement antique de l’auteur des Recherches sur la Statuaire.

HENRI PERCY, COMTE DE NORTHUMBERLAND, PAR MADAME LA PRINCESSE DE CRAON[1].

L’auteur de Thomas Morus continue dans ce nouvel ouvrage ses études et sa reproduction des personnages du xvie siècle, son tableau de la cour de Henri viii. Les romans de madame la princesse de Craon sont des écrits sérieux qui s’appuient sur une connaissance attentive de l’époque qu’elle veut peindre, et qui s’inspirent d’une idée religieuse et morale dont elle fait ressortir le triomphe. C’est déjà un vrai titre à la louange que ce noble emploi des loisirs et de l’esprit dans la position de l’auteur ; mais les ouvrages eux-mêmes qui en sont le fruit peuvent supporter un examen moins facilement indulgent, et prétendre à des éloges plus directement motivés. Henri Percy est une composition grave et variée, intéressante par les situations et les caractères, d’une noblesse de ton qui n’exclut pas la vérité de peinture dans beaucoup de détails, d’un style élégant, qui, pour aspirer quelquefois à la description épique, ne méconnaît pas habituellement le naturel et la grâce. Je commencerai par blâmer l’introduction de Satan, les visions angéliques, enfin le merveilleux qui donne à certains endroits un air de poème ; si Henri Percy était un poème, je trouverais encore d’autres raisons pour blâmer ce merveilleux-là. Mais les divers portraits des personnages principaux, et les groupes qui se dessinent autour d’eux, Anne de Bouleyn, Catherine, Henri viii, Henri Percy, sont posés avec art, avec gradation et contraste. Le véritable sujet du livre, qui est l’amour dévoué, le sacrifice profond du noble Henri Percy envers Anne de Bouleyn, sa compagne et sa fiancée d’enfance, donne à toute la composition une empreinte chevaleresque et idéale qui sied, on le conçoit, au goût et aux habitudes de l’auteur, et qui ne messied aucunement à l’époque dont c’est une des faces les plus attrayantes. Henri Percy continue avec dignité cette longue série de romans ou poèmes, qui, depuis la Béatrix de Dante, développent les douleurs et les gloires de l’amour chrétien, de l’amour chevaleresque, de celui dont le Tasse, une de ses immortelles victimes, a dit qu’il désire beaucoup, espère peu et ne demande rien. Tout ce rôle de Percy a un grand charme : sa sortie du manoir paternel, sa visite à la reine Catherine mourante pour implorer d’elle le pardon d’Anne de Bouleyn, sa visite à

  1. Chez Delloye, place de la Bourse, No 5.