Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
378
REVUE DES DEUX MONDES.

artistes, ces sphinx, ces serpens, ces lyres, etc., ne lui parurent pas ainsi abandonnés au gré d’un chacun. Le goût s’exerçait dans un cercle tracé par la religion. L’archéologie, dit M. Émeric David, pourrait être définie la connaissance de la religion dans ses rapports avec les arts. En s’attachant donc au sens profond de la mythologie grecque, M. Émeric David est arrivé d’abord à reconnaître qu’elle avait bien réellement un sens profond ; qu’une religion qui avait occupé si long-temps une si grande partie de l’ancien monde n’était pas simplement un assemblage de quelques allégories, de quelques apothéoses de héros et de grands hommes ; l’auteur a développé et démontré au long cette opinion dans une introduction intéressante qui forme elle-même près de trois cents pages du premier volume et qui serait encore un ouvrage à lire, indépendamment des recherches plus spéciales sur Jupiter. Il y combat surtout vivement ce qu’il appelle l’évhémérisme ou l’opinion d’Évhémère, qui soutenait que tous les dieux de la Grèce n’étaient que des hommes divinisés ; une telle idée, si souvent renouvelée et accueillie depuis, lui semble un rappetissement non justifiable d’une grande religion antique. En discutant les opinions si diverses et incohérentes des écrivains de l’époque chrétienne et néoplatonicienne sur la religion grecque, il arrive à cette conclusion frappante que ni les uns ni les autres ne s’en faisaient plus une juste idée, et que si les païens néoplatoniciens, l’empereur Julien en tête, avaient triomphé, l’ancien culte grec n’eût pas moins été perdu et remplacé par une autre forme substituée et de création récente. Qu’était-ce donc que cet ancien culte grec sur lequel le secret a été si bien gardé dans les mystères ? Quel sens fondamental peut-on en exprimer par un examen attentif de ses fables ? M. Émeric David se prononce pour l’opinion déjà plus ou moins soutenue par Bacon, Pignoria, Selden, Vico, Blackwell, Jablonski, Heyne ; c’est que les dieux véritables, les dieux réels de la Grèce sont des élémens de la nature. Sa doctrine, en un mot, est celle du physiologisme sacré. Il rattache la religion grecque par des rapports directs, non pas comme on l’a fait, surtout dans les derniers temps, à la mythologie du haut Orient, de la Perse, de l’Inde, mais aux dogmes de l’Égypte, de la Phénicie, de la Chaldée. Nous ne suivrons pas le savant auteur dans les témoignages qu’il emprunte à toute l’antiquité pour démontrer en Grèce le culte de la nature, de la matière humide primitive fécondée par le feu créateur ; nous n’essaierons pas d’énumérer les preuves historiques et les inductions qui lui font voir en particulier dans Jupiter (Dis et Zeus) à la fois le dieu Soleil et le dieu Éther. D’ingénieuses explications des attributs symboliques, généralement imputés au caprice et au hasard, animent et varient cette marche érudite de l’archéologue,