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commerçans comme eux, mais Italiens avant tout, et qui brodaient pour leurs maisons des manteaux de pierre et de marbre, comme ils aimaient à envelopper leurs corps dans des vêtemens de soie et de velours. Le luxe des Hollandais, ces Vénitiens du Nord, est au contraire soigneusement renfermé dans leurs murailles. Ce sont leurs appartemens intérieurs qu’on voit tapissés de marbres et des richesses de l’art. Ils jouissent en famille de ces trésors, et pour ainsi dire en cachette. Il y a des jours et des heures, assignés plusieurs mois d’avance, où les étrangers sont admis, après bonne information, à prendre leur part de ce festin muet qui consiste à se faire passer de main en main, autour d’une table, des dessins de maîtres, dont quelques propriétaires, à Amsterdam et à La Haye, possèdent des armoires pleines. Comparez ce luxe avare et inquiet d’un marchand d’Amsterdam au luxe du Vénitien, qui vous ouvre lui-même, avec la plus gracieuse vanité, les portes de ses palais, et vous aurez la différence du génie des deux peuples.

J’ai dit que la Hollande contenait peu de monumens vraiment dignes de ce nom. En effet, vous n’y retrouvez nulle part ce hardi clocher d’Anvers, ces belles tours massives de Bruges et de Bruxelles, ces hôtels-de-ville semés dans les provinces de la Belgique comme les palais d’autant de rois ; vous n’y rencontrez pas de ces magnifiques cités féodales, ombrageant les rues de leurs frontons hauts et crénelés, semblables à des donjons de châteaux-forts. Il semblerait que ces cités de briques soient bâties d’hier pour une exploitation industrielle. Les habitations des riches ressemblent en tout à celles des pauvres, excepté que les premières ont par-devant un perron de dix ou douze degrés, bordé d’une jolie rampe de fer, et conduisant à une petite porte bâtarde ornée d’un bouton de cuivre bien luisant.

Le Binnen-hof et le Buiten-hof, à La Haye, n’offrent pas d’autre intérêt que leur date et le souvenir de la mort de Barneveld. Quant au palais royal d’Amsterdam, appelé le Dam, il ressemble plutôt à une caserne qu’à un lieu de plaisance. Je préfère à cela le palais où fut assassiné Guillaume Ier. C’est à Delft qu’on voit ce monument, lequel n’est pas dépourvu d’une certaine grace, comparé à ceux qui l’avoisinent. Mais ce que tout voyageur ne doit pas manquer d’aller visiter, c’est la grande église de Bréda.