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coup, pour l’effet, de celle de Cabat, notre jeune et brillant artiste parisien. Je ne fais pas de doute que ses ouvrages, exposés au Louvre, n’obtinssent un égal succès.

Je n’ai pas été assez heureux pour rencontrer Koëkoëk en Hollande. Lors de mon passage, il était en tournée d’artiste sur les bords du Rhin. C’est, dit-on, un homme abrupt et quelque peu sauvage, plus courtisan des forêts que des salons. Son éducation s’est concentrée tout entière sur son art. Il ne parle que la langue de son pays.

Schelfout excelle à peindre les hivers, espèce de paysage qui a toujours eu beaucoup d’enthousiastes parmi les Hollandais : aussi néglige-t-il à présent toute autre composition pour contenter les amateurs des effets de glace et de neige. Ses deux derniers tableaux appartiennent à cette catégorie nationale ; l’un est exposé dans la galerie du colonel de Céva ; l’autre est encore dans l’atelier du peintre, qui le termine avant de le livrer à son propriétaire. La manière de Schelfout n’a rien de commun avec celle de Koëkoëk. Ce que celui-ci donne à l’ensemble, celui-là le consacre au détail. Chaque accessoire de son paysage est fini avec une égale perfection ; les premiers plans comme les lointains peuvent se regarder à la loupe. On voit l’herbe pousser sur les bords du cadre. Chaque morceau de glace brisé ressemble à un diamant à facettes exposé au soleil. Je parlais plus haut d’un manche à balai que Gérard Dow avait mis trois jours à peindre ; je gagerais que tel fragment de glace qu’on remarque sur l’avant-plan d’un tableau de Schelfout ne lui a pas coûté moins de temps à représenter ; c’est l’école de Miéris appliquée aux forêts et aux canaux. Voilà de ces productions qu’affectionnent les Hollandais. Aussi Schelfout est-il leur peintre par excellence. Un verre microscopique à la main, les pieds étendus devant un bon foyer de charbon, ils aiment à promener pendant des heures leur patiente et immobile admiration parmi ce monde infini de brins d’herbes sublimes, trop heureux s’ils pouvaient y découvrir un jour une sauterelle ou une mouche qu’ils n’auraient pas d’abord aperçue.

Je fais ici le procès du genre plutôt que du talent de Schelfout. Dans la déplorable route où cet artiste habile est lancé, il est bon qu’une voix amie se fasse entendre à son oreille parmi les traîtres