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DES ARTS EN HOLLANDE.

éloges dont il se voit bercé. Qu’il réfléchisse un peu sur lui-même ; qu’il regarde une fois en face un tableau d’Hobeema ou de son compatriote Ruysdaël, et fort du bon conseil qu’il aura puisé dans ces maîtres des maîtres, qu’il s’étudie sans relâche à se corriger de cette désolante perfection ! Il s’en faut que la nature se montre ainsi en toilette, peignée, ratissée, épongée. Dans le cadre étroit d’un intérieur on passe à Miéris et à Dow cette puérilité charmante ; mais en pleine campagne, sous les rayons du soleil, avec un horizon de plusieurs lieues, cela se peut-il supporter ? À cent pas de vous, vos yeux fussent-ils garnis des plus excellentes besicles du monde, distinguerez-vous ainsi les petits accidens d’une feuille ou d’une branche cassée, un caillou sur le chemin, les étoiles d’un glaçon ? Non, ou c’est une maladie du nerf optique que cette finesse de perception. Vous ne nous offrez pas un paysage, mais bien une série de petites miniatures fort jolies, fort agréables, qui seraient beaucoup mieux séparées l’une de l’autre et enfermées dans autant de médaillons. Voyez comme Ruysdaël est large ! comme il fixe sur sa toile les grands effets de l’ensemble et la physionomie de chaque groupe principal ! Nous embrassons tout d’un coup d’œil, le regard n’est accroché nulle part au détriment de l’effet général ; et pourtant le détail est chez lui traité de main de maître. Vous, vous nous montrez le détail du détail ! Les études de Schelfout sont, selon moi, bien supérieures à ses tableaux. Après tout, ce ne sera jamais un peintre vigoureux et hardi ; mais il prendra rang, quand il le voudra, parmi les paysagistes les plus gracieux et les plus fins.

Quoique l’opinion générale en Hollande place Schelfout au-dessus de Schotel, je préfère de beaucoup le style franchement marin de ce dernier à la coquette nonchalance des eaux de son rival. Schotel compose grandement, ou plutôt il se contente de faire poser la nature devant lui. Sa peinture sent le goudron. Pour être à même de mieux étudier son modèle, il habite, dans la ville de Dort, sa patrie, une petite maison dont les fenêtres sont penchées sur la Meuse. Ce fleuve, à cette petite distance de son embouchure, est, comme on sait, une espèce de mer. Assis devant son chevalet, Schotel voit tous les jours passer devant lui les navires, et il ne peut sortir de chez lui sans coudoyer une armée de matelots prenant le soleil ou le frais le long du mur de sa résidence. C’est une