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DOCTOR MARGARITUS.

Accomplissant, loin d’elle, un si gentil devoir,
Et parlant de sa grâce aux fleurs de la campagne,
Qui la connaissent bien, — je vis de la montagne
Le vieux Margaritus revenir à grands pas ;
Il avait le front calme, et tenait en ses bras
Une gerbe de fleurs qui, longues, effilées,
Saluaient en passant les roses des vallées,
Et, fières d’être ainsi sur le sein du docteur,
Livraient au vent du soir leur plus vive senteur.

Et sa robe flottait séparée en deux ailes ;
Et le voyant ainsi par les herbes nouvelles
Marcher tout occupé de son rare faisceau,
Sans prendre garde au vent, aux cailloux, au ruisseau,
À ses cheveux épars, à sa robe mouillée,
Je me dis : Le voilà qui rentre à la veillée.
Heureux homme, sitôt qu’il s’est mis à pleuvoir
Il a dans quelque coin déposé l’arrosoir,
Et confiant au ciel ses reines Marguerite,
D’un instant de loisir profité tout de suite,
Pour aller visiter d’autres charmantes fleurs,
Reines peut-être aussi comme leurs nobles sœurs,
Mais qui n’habitent pas, comme elles, dans la plaine.
Ô charmans entretiens, qu’à la fraîcheur sereine,
Pendant la pluie, il vient d’achever sur le mont !
Comme toutes ont dû pencher leur chaste front
Sur sa débile main et la mouiller de larmes.
Ô quiétude ! ô paix ! vous avez moins de charmes,
Célestes entretiens entre deux jeunes cœurs,
Que ceux de ce vieillard avec toutes ses fleurs ;

Il s’est assis d’abord sur l’herbe parfumée,
Et chacune s’étant bientôt accoutumée,
S’est mise à lui conter sa peine et ses amours.
L’une est forte et puissante, et grandit tous les jours ;