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MATTEA.

loin, semblable à une imperceptible tache noire sur un immense voile d’argent. Elle s’approcha peu à peu, et les sons de la guitare de Timothée devinrent toujours plus distincts. Enfin la barque s’arrêta à quelque distance de la villa, et une voix chanta une romance amoureuse, où le nom de Veneranda revenait à chaque refrain au milieu des plus emphatiques métaphores. Il y avait si longtemps que la pauvre princesse n’avait plus d’aventures, qu’elle ne fut pas difficile sur la poésie de cette romance : elle en parla tout le reste de la soirée et tout le lendemain avec des minauderies charmantes, et en ajoutant tout haut, pour moralité à ses doux commentaires, de grandes exclamations sur le malheur des femmes qui ne pouvaient échapper aux inconvéniens de leur beauté et qui n’étaient en sûreté nulle part. Le lendemain, Timothée vint chanter plus près encore une romance encore plus absurde, qui fut trouvée non moins belle que l’autre. Le jour suivant, il fit parvenir un billet, et le quatrième jour il s’introduisit en personne dans le jardin, bien certain que la princesse avait fait mettre les chiens à l’attache et qu’elle avait envoyé coucher tous ses gens. Ce n’est pas qu’aux temps les plus florissans de sa vie elle eût été galante. Elle n’avait jamais eu ni une vertu ni un vice ; mais tout homme qui se présentait chez elle avec l’adulation sur les lèvres, était sûr d’être accueilli avec reconnaissance. Timothée avait pris de bonnes informations, et il se précipita aux pieds de la douairière dans un moment où elle était seule, et sans s’effrayer de l’évanouissement qu’elle ne manqua pas d’avoir, il lui débita une si belle tirade, qu’elle s’adoucit, et pour lui sauver la vie (car il ne fit pas les choses à demi, et comme tout galant eût fait à sa place, il menaça de se tuer devant elle), elle consentit à le laisser venir de temps en temps baiser le bas de sa robe. Seulement, comme elle tenait à ne pas donner un mauvais exemple à sa filleule, elle recommanda bien à son humble esclave de ne pas s’avouer pour le chanteur de romances, et de se présenter dans la maison comme un parent qui arrivait de Morée.

Mattea fut bien surprise le lendemain à table, lorsque ce prétendu neveu, annoncé le matin par sa marraine, parut sous les traits de Timothée ; mais elle se garda bien de le reconnaître, et ce ne fut qu’au bout de quelques jours qu’elle se hasarda à lui par-