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REVUE DES DEUX MONDES.

Avant qu’il eût fait toutes ses dispositions, la révolution éclata à Bâle. Il s’y tenait depuis plusieurs jours des conventicules, malgré un décret récent du sénat, et les hommes violens parlaient d’un coup de main sur les églises catholiques et d’un auto-da-fé des statues papistes. La bourgeoisie catholique prit les armes, pour que force restât au décret du sénat. Le peuple des conventicules s’arma de son côté, et les partis descendirent sur la place pour engager la bataille. Le sénat intervint à propos : la bourgeoisie déposa les armes ; le peuple en fit autant, mais ce fut pour les reprendre quelque temps après. Le parti avait décidé la destruction des statues et simulacres du culte catholique. Ils s’amassent sur la place, avec du canon, et là, pendant plusieurs nuits, ils élèvent un immense bûcher, au milieu de la terreur universelle. Cependant ils respectèrent les maisons et les personnes, et on n’eut à leur reprocher que la fuite précipitée du consul, lequel se sauva dans une barque et échappa ainsi à la mort qui l’attendait s’il fut demeuré dans la ville. D’autres personnages s’enfuirent aussi de Bâle ; mais le sénat, épuré en une nuit de tous ses membres catholiques, les invita à rester, sous peine de perdre leurs droits de citoyens ; ce que plusieurs firent. L’autorité nouvelle, sortie du peuple, y parvint à empêcher le désordre, et fit enlever par des ouvriers, sans tumulte, avec la régularité d’une manœuvre, tout ce qui pouvait être conservé dans l’ameublement des églises. Le reste fut abandonné au peuple, qui put assouvir enfin sa haine contre les images. Tout ce qui était bois fut brûlé ; tout ce qui était marbre, pierre ou métal fut mis en morceaux. « Et tout cela se fit au milieu de telles risées, que je m’étonne, dit Érasme, que les saints n’aient pas fait un miracle, eux qui jadis en firent de si grands pour de si petites offenses[1]. » Parole à double sens, comme la plupart de celles de ce sceptique prudent, qui pouvait être tout à la fois une ironie pour un ennemi des saints, et un pieux cri d’étonnement pour un adorateur des images.

Bientôt la messe fut abolie à Bâle et dans toute la campagne, et défense fut faite à tous les citoyens de la célébrer clandestine-

  1. 1188 et 1189.