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REVUE DES DEUX MONDES.


Pour être d’un parti j’aime trop la paresse,
Et dans aucun haras je ne suis étalon.
Ma muse, vierge encor, n’a rien d’écrit au front.
Je n’ai servi que Dieu, ma mère, et ma maîtresse ;
Et par quelque sentier qu’ait passé ma jeunesse,
Aucun gravier fangeux ne lui traîne au talon.

J’ai fléchi le genou sur la dalle sanglante,
Chaude et tremblante encor d’un meurtre surhumain,
Quand de joie et d’horreur la France palpitante
Vit un père et ses fils se tenant par la main,
À travers les éclairs d’une muraille ardente,
Passer en souriant, conduits par le Destin.

J’ai prié, j’ai pleuré, moi, fils d’un siècle impie,
Le jour qu’à Notre-Dame, aux pieds du Dieu sauveur,
Une reine, une mère, ô fatale grandeur !
Vint, la tête baissée, et par les pleurs maigrie,
Prier pour ses enfans l’ange de la patrie,
Et rendre grace à Dieu, pâle encor de terreur !

Que la liberté sainte engendre la licence,
C’est un mal, je le sais ; et de tous les fléaux
Le pire est qu’un bandit soit bâtard d’un héros.
C’est un ardent soleil que celui de la France ;
Son immense clarté projette une ombre immense ;
Dieu voulut qu’un grand bien fit toujours de grands maux.

Oui, c’est la vérité, le théâtre et la presse
Étalent aujourd’hui des spectacles hideux,
Et c’est, en pleine rue, à se boucher les yeux.
Un vil mépris de tout nous travaille sans cesse ;
La Muse, de nos temps, ne se fait plus prêtresse,
Mais bacchante ; et le monde a dégradé ses dieux.