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REVUE DES DEUX MONDES.

Avant de tourner le coin de l’extrême gauche, arrêtons-nous à considérer un moment trois personnages qui résument en eux tout l’ultrà-torisme de la chambre ; ils sont rangés à la file là où finit de ce côté le dernier banc.

Le premier, ce long corps sec en cravate blanche, endimanché, grossièrement bâti, grossièrement vêtu, qui vous représente assez bien un suisse de vos paroisses catholiques, c’est le duc de Newcastle. Admirez cet œil terne et hébété, ces longues oreilles qui se dressent. Comme il écoute ! comme toute sa stupidité est attentive ! Il n’entend rien pourtant, soyez-en sûr. Les mots ont besoin de frapper long-temps à la porte de ce dur cerveau ; il ne voit jour dans une idée qu’après une semaine de mûre délibération. D’ordinaire, c’est à la fin d’une session qu’il commence à s’expliquer tout entier le discours royal prononcé à son ouverture. Ce qui lui tient lieu d’intelligence, c’est une sorte de haine brutale et acharnée contre tout ce qu’il suppose entaché de réforme. Les rudes leçons que lui a données la colère du peuple, n’ont pas enseigné la prudence à ses instincts aveugles. D’ailleurs les récriminations du noble duc ont généralement la lenteur retardataire de sa compréhension ; son esprit a le tort de tous les absens. La pairie mourrait et serait enterrée cet hiver, qu’au printemps prochain il ferait, je gage, mettre les chevaux à sa voiture, afin d’aller à la chambre combattre l’émancipation des catholiques.

Les deux autres, ce sont deux comtes en haut crédit près de l’église, plus fanatiques encore que tories. Ni l’un ni l’autre ils ne manquent d’une certaine furie oratoire qui tient plus, il est vrai, de la chaire que du parlement.

Et d’abord cette figure d’illuminé qui vous regarde d’un œil noir enflammé, caressant les plis de son jabot blanc du pommeau de son parapluie, c’est lord Winchelsea, un honnête homme, j’imagine, un bon protestant effréné, mais sincère. Il y a au fond des homélies frénétiques qu’il improvise à la chambre, ou pour les colonnes du Standard, un accent de conviction qui porte avec lui l’excuse de leur intolérance. Ce noble énergumène, tout en prêchant la persécution du papisme, se persuade, j’en suis certain, que son apostolat anglican le mène lui-même au martyre.

Quant à l’autre personnage, ce colosse énorme et difforme qu’on dirait un cuirassier d’élite congédié du service par excès d’embonpoint, bien que son mysticisme protestant soit d’un plus fort calibre encore, j’aurais moins de foi en ses reliques. Ce lord Roden, car c’est lord Roden, avait été en sa jeunesse un mécréant qui ne reconnaissait