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Tallemant était un homme de plaisir ; il enchérissait encore sur les ridicules de son beau-père. Adonné à toutes les dissipations, il tranchait du grand seigneur, et il devint, par vanité, le Mécène des gens de lettres, dont il payait richement les pompeuses dédicaces. Sa femme, livrée à toutes les fantaisies, ne connaissait pas plus que son mari les avantages d’une sage économie. On peut facilement juger dans quelle dépense ils furent entraînés par la vie des intendances. Ils tenaient à Bordeaux maison ouverte ; « M. de Candale, dit des Réaux, ne mangeait jamais que chez eux ; devant Tallemant, un intendant ne paraissait point à Bordeaux ; à cette heure on n’y parle que de monsieur l’intendant et de madame l’intendante. »

Il nous en reste un témoignage contemporain que nous citerons, quoique fort connu ; c’est celui de Chapelle et Bachaumont, qui leur rendirent visite vers 1656 ou 1657. Ce passage de leur Voyage touche de trop près aux Tallemant pour ne pas trouver ici sa place.

« Après être descendus sur la grève, et avoir admiré quelque temps la situation de cette ville, nous nous retirâmes au Chapeau-Rouge, où M. Tallemant nous vint prendre aussitôt qu’il sut notre arrivée. Depuis ce moment, nous ne nous retirâmes dans notre logis, pendant notre séjour à Bordeaux, que pour y coucher. Les journées se passaient le plus agréablement du monde chez M. l’intendant ; car les plus honnêtes gens de la ville n’ont pas d’autre réduit que sa maison. Il a trouvé même que la plupart étaient ses cousins, et on le croirait plutôt le premier président de la province que l’intendant. Enfin, il est toujours le même que vous l’avez vu, hormis que sa dépense est plus grande. Mais pour Mme l’intendante, nous vous dirons en secret qu’elle est tout-à-fait changée.


Quoique sa beauté soit extrême,
Qu’elle ait toujours ce grand œil bleu,
Plein de douceur et plein de feu,
Elle n’est pourtant plus la même,
Car nous avons appris qu’elle aime,
Et qu’elle aime bien fort le jeu.


« Elle, qui ne connaissait pas autrefois les cartes, passe maintenant des nuits au lansquenet. Toutes les femmes de la ville sont