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TALLEMANT DES RÉAUX.

devenues joueuses pour lui plaire ; elles viennent régulièrement chez elle pour la divertir, et qui veut voir une belle assemblée, n’a qu’à lui rendre visite. Mlle du Pin se trouve toujours là bien à propos pour entretenir ceux qui n’aiment point le jeu. En vérité, sa conversation est si fine et si spirituelle, que ce ne sont pas les plus mal partagés. C’est là que messieurs les Gascons apprennent le bel air et la belle façon de parler :


Mais cette agréable du Pin,
Qui dans sa manière est unique,
A l’esprit méchant et bien fin ;
Et si jamais Gascon s’en pique,
Gascon fera mauvaise fin. »


Des Réaux nous apprend que cette demoiselle du Pin était une sœur naturelle de Tallemant, le maître des requêtes. « Elle était, ajoute des Réaux, plus aimable que belle ; elle jouait du luth, chantait agréablement, et avait l’esprit si accort, que tout le monde l’aimait. On l’appelait Angélique. Si elle ne fût pas morte jeune, le comte d’Estrades, depuis maréchal de France, l’aurait épousée. » Ce grand train de maison et les dépenses qu’il entraîne, l’habitude d’une vie dissipée, qu’ils continuèrent à Paris, après que Tallemant eut été révoqué de son intendance, produisirent les fruits qu’on devait en attendre. Les affaires se dérangèrent, et l’adversité ne trouva pas M. et Mme Tallemant résignés à ses rigueurs. « J’entrepris, avec un de mes parens, dit des Réaux, d’être son intendant, de recevoir son revenu, et de lui donner tant par mois, pourvu qu’il réglât son train, et qu’il se logeât comme je voudrais. Je les ai fait pleurer vingt fois, sa femme et lui… Je commençai donc par lui proposer de chasser son cuisinier : — Bien, dit-il, je le chasserai dans quatre mois… — Sa femme me disait : — Hé ! pour l’amour de Dieu ! mon pauvre cousin, sauvez-moi encore un laquais. — Ils me trompaient, car les gens qu’ils faisaient semblant de chasser, ils les logeaient vis-à-vis de chez eux… Les ayant trouvés incurables, je ne m’en voulus plus mêler. « 

Gédéon Tallemant résigna, en 1667, son office de maître des requêtes ; il obtint des lettres d’honoraire qui furent enregistrées