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TALLEMANT DES RÉAUX.

seigneur dudit lieu, contre messire Antoine Arnauld, prieur commandataire du Plessis-Moines, ayant repris l’instance au lieu de maître Claude Le Marié.

Des Réaux se plaignait d’avoir été troublé dans sa possession de tous droits honorifiques, prérogatives et prééminences, titres et armes dans l’église paroissiale de Chouzé, tant comme fondateur, que comme ladite église étant bâtie en ses fiefs et châtellenie des Réaux, ci-devant le Plessis-Rideau.

Le récit de cette discussion n’aurait aujourd’hui aucun intérêt ; peu importe que des Réaux soit parvenu à faire changer le banc que l’officiant occupait dans le chœur de l’église, qu’il ait été maintenu en possession du poteau du carcan, où comme seigneur il prétendait avoir le droit d’exercer sa justice ; ce factum donne cependant quelques renseignemens utiles : on y voit que Tallemant avait acheté cette terre du marquis de l’Isle, arrière-petit-fils d’un Briconnet. On y voit aussi qu’il plaidait contre le célèbre docteur Antoine Arnauld. Nous ignorons quelle a été l’issue du procès.

Doués des mêmes goûts et rapprochés par quelques circonstances, Patru et des Réaux contractèrent dès leur jeunesse une étroite amitié qui ne s’est jamais démentie. Le père de Patru possédait une ferme près de Pommeuse, terre qui appartenait à Puget de Montauron, beau-père de Tallemant, le maître des requêtes. Patru se livrait à son goût pour les lettres avec une passion qui s’accorde difficilement avec la pratique opiniâtre du barreau ; libre d’affaires, Tallemant vivait au milieu des gens de lettres : homme d’esprit sans prétention, il n’écrivait que pour se distraire ; en voilà plus qu’il n’en fallait pour les rapprocher ; compagnons de plaisir, peut-être de débauche, ils n’avaient point de secrets l’un pour l’autre ; en effet, sans les confidences de Patru, comment des Réaux aurait-il pu placer dans ses récits une foule de traits de la jeunesse de ce dernier, et particulièrement ses amours avec la belle Mme Levesque[1] ?

  1. Voyez l’Historiette de madame Levesque, dans les Mémoires de Tallemant des Réaux, tom. iii, pag. 278 et suiv.