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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

Triffine repousse avec indignation ces propositions, et elle reste seule exposée aux loups et aux soudards qui désolent le pays. — « Moi qui ai été la première princesse et la plus riche de l’Hybernie, dit-elle, voyez-moi maintenant ! Mon corps a porté l’or, l’argent, les diamans et les perles ; mon front s’est épanoui sous la couronne des reines, et maintenant me voilà gardienne de pourceaux immondes ! » — Cependant elle prie pour alléger ses souffrances. La duchesse, qui se promène dans la campagne, l’aperçoit de loin, et, en la voyant ainsi à genoux, si pleurante et si doucement désolée devant Dieu, elle dit à sa demoiselle : « Mademoiselle, la prière de cette jeune femme m’a rendue triste, et je me sens épouvantée. Je crois que c’est quelqu’un de qualité. » — Elle s’approche alors, et, après avoir cherché à consoler Triffine, elle lui dit qu’elle sera désormais femme de chambre. Triffine joyeuse la remercie.


Dans les scènes suivantes, on voit l’intendant d’Arthur qui arrive chez la duchesse d’Orléans. Il se rend à la cour du roi de France, Louis, et, en passant, il est venu saluer la tante de son maître. La duchesse lui fait grande joie et grande chère.


Ici finit la quatrième journée.


Voici ce qu’on voit dans la cinquième journée.

La duchesse se promène dans son jardin avec l’intendant d’Arthur ; tous deux parlent de la reine, de la reine douce et malheureuse, qui dort sans doute dans quelque tombe inconnue, sans avoir sur ses os une pierre qui demande les prières de ceux qui passent, sans avoir à ses pieds une croix pour avertir qu’elle avait été chrétienne. Tous deux sont tristes, et ils pensent que le bonheur de la vie est plus léger que la baie de l’avoine que le moindre vent emporte, lorsque Triffine elle-même entre dans le jardin pour cueillir une salade. La duchesse va lui parler, et l’intendant, qui ne la voit et ne l’entend que de loin, est pourtant frappé de sa beauté et de sa voix fraîche, qui bruit comme une source dans l’herbe. On se met à table, et Triffine entre dans la salle du festin. L’intendant la suit des yeux. Il croit reconnaître ses traits pâles et charmans ; il commence à soupçonner la vérité, et il demande à voir de plus près cette jeune fille qui sert les gentilshommes. Mais Triffine, avertie, refuse de venir ; elle quitte la salle, et se renferme dans sa chambre. Alors la duchesse, à qui l’intendant a fait part de ses soupçons, vient elle-même la trouver. Après quelques questions, elle lui dit :

LA DUCHESSE.

Dites-moi, jeune femme, si vous êtes Triffine, reine de la Petite-Bre-