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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/106

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REVUE DES DEUX MONDES.

des brancards, combinée avec leur élasticité, émousse le contre-coup des cailloux ; et sa grande légèreté la rend propre à franchir les pentes rapides. On envoie quelques heures à l’avance un forbuden ou courrier, pour commander les chevaux ; le maître de poste a la liste des habitans de sa paroisse ; chaque paysan est obligé d’en fournir à tour de rôle, pour un prix fixé par le gouvernement. Comme ces chevaux sont errans dans les montagnes, et souvent à de grandes distances, le voyageur attendrait plusieurs heures, s’il ne se faisait précéder d’un forbuden. Tous les chevaux norwégiens, même ceux de labour, sont propres au service de la poste ; en arrivant au relais, on les voit de loin qui vous attendent attachés en plein air. Leur maître, qui les accompagne toujours, les attelle en une demi-minute, vous remet les rênes, s’assied d’un saut derrière vous, et vous partez comme le vent, courant au grand trot à la montée, et descendant au galop des pentes presque aussi inclinées que celles des montagnes russes.

Nous côtoyâmes pendant quelque temps le golfe de Christiania. Le paysage des environs de cette ville est vraiment enchanteur ; la mer s’avance dans les terres en festons gracieux, et l’absence presque totale de marée la fait ressembler à un grand lac couronné de verdure et de maisons de plaisance : les frênes et les tilleuls domestiques s’élèvent à côté du sauvage sapin, qui encadre les montagnes de son feuillage noirâtre. Tout l’imprévu du paysage alpestre, les lacs, les rochers, les torrens, toute l’âpreté de la nature du nord se marie aux teintes plus douces de la civilisation, aux vastes pelouses parsemées de bestiaux, aux maisons élégantes, à la mer couverte de navires. Après des pentes longues et rapides, nous franchîmes le bassin de Christiania, et nous arrivâmes à la montagne du Paradis, connue sous ce nom dans toute la Norwège, à cause de ses beaux points de vue. On a sous ses pieds la longue vallée de Lier ; rien de plus riant que les accidens de terrain, qui forment d’une haute montagne des milliers de petits côteaux, placés les uns au-dessus des autres comme les blocs d’un glacier. Il n’y a point en Norwège de village proprement dit ; nous nous trouvions dans un hameau de deux lieues carrées, dont les maisons étaient à cent pas les unes des autres, à demi cachées dans des bouquets de frênes et se mirant dans les eaux du golfe