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VOYAGE EN NORWÉGE.

de Drammen. Si le voile noir étendu sur ce beau tableau eût été un moment déchiré par le soleil d’Italie, il n’y aurait rien de plus magique dans la vallée de Sarnen, rien de plus riant sur les bords du lac de Zurich : tel qu’il est, le paysage de la vallée du Paradis l’emporte sur tous ceux de l’Angleterre et de l’Écosse. Nous descendîmes rapidement dans la baie de Drammen, rivale en beauté de celle de Christiania, et bordée comme elle de maisons de campagne, où nous éprouvâmes d’une manière aussi agréable qu’imprévue l’hospitalité norwégienne. Nous fîmes la rencontre d’un jeune homme qui donnait le bras à une jeune personne ; notre officier de Copenhague les avait connus autrefois ; il n’en fallut pas davantage pour que nous fussions tous les trois invités à demeurer, et l’invitation était si pressante, qu’elle rendait un refus presque impossible.

En un clin d’œil nos voitures furent dételées, et l’on prit possession de nous. Nous entrâmes dans une jolie maison dont le vaste escalier, couvert de pots de fleurs, était presque baigné par les eaux du golfe. En Norwège, les maisons sont construites en fortes planches de pin ; l’absence de chaux et de plâtre rend leur intérieur d’une grande propreté. Le premier étage de celle-ci était, pour plus de solidité, fait de troncs équarris, joints dans les angles par d’énormes chevilles, et calfeutrés exactement avec de la mousse bien sèche : cette charpente est éternelle, et ne coûte presque rien à cause du voisinage des forêts, qui pressent de tous côtés les habitations. Les meubles, quoique fort simples, ont deux ou trois fois plus de valeur que la maison ; ils viennent ordinairement de Copenhague ou de Londres. La famille de M. H. peut passer pour un des meilleurs types des classes aisées de Norwège : ils ont quatre à cinq mois d’un beau pays et d’un beau ciel, de courtes nuits et de longs jours ; ils en jouissent avec délices comme d’un bien précaire, et aiment la nature comme un ami qui peut leur échapper à chaque instant. L’été fini, le Norwégien rentre dans la vie domestique, plus intime que chez nous, et resserre plus étroitement son cercle de famille. La neige une fois bien prise, vient la saison des plaisirs ; les dîners, les bals sans façon, les soirées de musique, les parties de traîneaux, se succèdent sans interruption.