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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/109

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VOYAGE EN NORWÉGE.

le Rhin, ils ne mordent point à l’hameçon, singularité restée jusqu’ici sans explication. Les rivières de Norwège offrent un caractère distinct de celles du reste de l’Europe ; elles tiennent des fleuves par leurs dimensions, des ruisseaux par leur pureté, des torrens par leur rapidité ; la masse d’eau verte qu’elles précipitent, en creusant des gouffres incommensurables, en fait un objet d’admiration pour le voyageur. Il faut, pour fournir aux abîmes de saphirs liquides qu’on voit en Norwège, les milliers de lacs où ils s’épurent, l’immense neige des hivers et le soleil des pâles étés ; joignons-y la mousse des forêts, qui retient l’eau comme une éponge et la rend en toute saison. Nous traversâmes le fleuve sur un bateau plat, et nous continuâmes notre voyage sur une route étroite, mais bien entretenue. Le paysage, parsemé de lacs et de montagnes, est partout varié : près de Kongsberg, on rencontre une rivière aussi considérable que celle de Drammen. Le pont qui la traverse est renforcé près de ses piles par d’énormes blocs entassés, destinés à rompre l’effort des glaces et des planches de sapin que le fleuve charrie par milliers. Kongsberg n’est qu’un grand village, quoiqu’il porte le titre de ville : les mines d’argent, source de sa prospérité, en sont à une lieue ; l’ouverture du puits principal est au sommet d’une colline. On a commencé à creuser perpendiculairement ; puis, arrivé à huit cents pieds de profondeur, on a tiré une galerie horizontale ; les mesures ont été si bien prises, que la galerie presque droite aboutit à mi-côte de la colline ; on y entre de plain pied. Après un trajet d’environ treize cents mètres, on a au-dessus de soi le puits primitif, haut de huit cents pieds, et au-dessous un autre puits de même profondeur, dans lequel on pénètre par trente échelles d’environ trente pieds chacune. La descente est pénible et difficile ; la plupart des curieux ne font que la moitié du voyage. Il y a cinq ou six étages d’excavations superposées ; les paniers montent et redescendent par le moyen de poulies. Cette mine fournit tout l’argent du pays, où l’on ne se sert guère que de papier-monnaie ; on en a tiré des morceaux d’argent natif pesant quarante livres ; elle a occupé jusqu’à deux mille ouvriers : à présent on y en compte à peine cinq cents. Quand nous l’avons visitée, la veine était très abondante ; on en avait retiré la semaine précédente