Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
VOYAGE EN NORWÉGE.

l’hospitalité la plus cordiale, nous nous séparâmes de son excellente famille, et poursuivîmes notre route vers la montagne de Gousta. Sur les bords du lac de Tind, nous trouvâmes, grâce aux soins du ministre, un bateau monté de quatre rameurs : le lit de feuilles de bouleau fraîchement cueillies était tout prêt à nous recevoir.

Le lac de Tind est un des plus beaux de la Norwège, de cette beauté grande et sévère qu’on trouve rarement dans les hautes terres d’Écosse, pour lesquelles leur poète a fait plus que la nature. Le soleil abaissé du nord projette jusqu’au milieu des eaux l’ombre noire des hautes montagnes ; de profondes vallées, qui s’ouvrent de tous côtés comme des gouffres, sont noyées dans la vapeur ; les flots silencieux et sans mouvement s’enfoncent dans des golfes sans nom, et se cachent au milieu des forêts dont ils baignent le pied : c’est un spectacle rempli de magnificence et de poésie. Nos bateliers jouissaient eux-mêmes de notre admiration ; ils laissaient tomber leurs rames, et, tandis que l’esquif demeurait immobile, ils nous désignaient de la voix et du geste les lieux qu’ils jugeaient les plus remarquables : c’étaient presque toujours ceux qui nous offraient le moins d’intérêt, un pâturage pour leurs troupeaux, un îlot pour la pêche, un port pour leurs bateaux. La conversation une fois engagée, ils voulurent savoir nos noms et notre patrie, le but et le motif de notre voyage, les pays que nous avions visités. Quand l’officier danois leur dit qu’il était de Copenhague, ils prirent un air de respect. Copenhague est toujours pour eux la grande ville, la cité d’or et d’argent ; c’est la capitale de la Norwège ; à peine savent-ils le nom de Stockholm. Quelques vieux soldats, qui sont allés à Copenhague dans leur jeunesse, jouissent par cela seul d’une grande considération. Le plus jeune des bateliers, enfant de dix-sept ans, nous demanda, après avoir long-temps hésité, s’il était vrai qu’on pût apercevoir Copenhague du sommet de Gousta-Field ; il ne pensait pas qu’on le pût voir à l’œil ; mais cela, disait-il, devait être facile avec des lunettes comme en savent faire les Anglais. Ses compagnons attendaient notre réponse avec anxiété, et il n’aurait tenu qu’à nous de confirmer à jamais cette croyance dans le pays : nous nous rejetâmes sur les brouillards de la mer, et ils