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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/115

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VOYAGE EN NORWÉGE.

nuant par degrés, ils devenaient des arbres nains, puis faisaient place aux arbustes rabougris. Au-dessus venait la bruyère, puis la mousse des rennes. Sur toute cette végétation décroissante, s’élevait le cône abrupt de la montagne, rocher gris, sillonné de vastes ravins : la neige en remplissait les flancs, et, placée à des distances presque régulières, pendait comme des festons éblouissans sur la tête chenue du géant. Nous laissâmes à notre gauche la cascade de Houga, belle par la coupe des rochers qui l’encadrent, mais peu abondante. Nous nous arrêtâmes devant un éboulement qui avait mis la montagne à nu dans une largeur de cinq à six cents pieds ; la couche de terre, peu épaisse, avait glissé tout à coup sur la pente inclinée ; le rocher jaune et luisant semblait une vaste écharpe jetée sur la verdure. Nous passâmes la nuit à Ingolstand ; c’est une réunion de cabanes semées çà et là sur la pelouse ; chacun se disputa à qui nous logerait, et cet empressement ne tenait en rien de l’avidité. Dans la maison que nous choisîmes, nous fîmes autant d’heureux qu’il y avait d’habitans. Les hommes, les femmes, les petits enfans s’empressent autour de vous, tâchant de deviner ce qui peut vous plaire ou vous être utile ; ils feraient une lieue pour vous apporter une épingle. C’est un grand plaisir pour eux de voir des étrangers, et surtout de les questionner. Je n’ai point vu de peuple plus beau. Ils sont grands, sveltes et blonds ; leurs traits sont réguliers et nobles : les hommes ont le caractère de la force et de l’aisance ; les femmes, une expression particulière de douceur et de modestie. Leurs yeux bleus, leurs teints rosés, leurs cheveux bouclés, leur air de bonheur et de santé en font les plus jolies petites choses qu’il soit possible de voir. L’analogie est frappante entre ces paysans et ceux du Hasli, quoique leur affinité de race, dont quelques auteurs ont parlé, me paraisse peu probable. Le titre de paysan n’est point ici celui d’une classe inférieure ; il ne rappelle point des idées de bassesse et de mauvaise éducation ; il veut dire seulement propriétaire. La terre de Norwège appartient aux paysans : dans cette heureuse contrée on ne trouve ni prolétaire ni riche ; la richesse et la pauvreté ne sont que relatives, et viennent du plus ou moins de terrain que chacun possède. L’instruction est générale, ou plutôt universelle. Tout