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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/151

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POÈTES ET MUSICIENS ALLEMANDS.

Oui, c’étaient des jours plus beaux lorsque, par groupes variés, les pâtres avec leurs douces fiancées s’acheminaient vers le bois des sacrifices ; lorsque la jeune fille, portant sa cruche, allait vers le puits frais chaque matin, lorsque le passant, l’interrogeant avec ardeur, lui demandait de l’eau à boire et de l’amour.

Hélas ! le tumulte des torrens débordés emporta bien loin le printemps d’or ! Les châteaux s’élevèrent et les tours aussi. La jeune fille assise tristement épiait les chants de la nuit, et d’en haut voyait le tumulte de la bataille, et comme dans la mêlée sanglante tombait son fidèle chevalier.

Un siècle noir et ténébreux s’étendait sur le monde, un siècle qui a pris et emporté comme un rêve les amours fraîches des jeunes gens ; maintenant ceux qui voudraient s’étreindre étroitement et pour toujours sur leurs poitrines fidèles, se saluent en passant, les yeux pleins de douleur.

Flétrissez-vous, ô fleurs ; dépouillez-vous aussi, beaux arbres ; n’insultez pas aux douleurs de l’amour ; mourez aussi, beaux germes d’avenir ; et toi, mon cœur, consume-toi dans ta plénitude. Dans le vide ténébreux des abîmes tombez, tombez, ô jeunes gens ! les sureaux tremblent dans les airs, les roses fleurissent autour de votre tombe.

CHANSON D’UN PAUVRE.

Je suis un pauvre homme et vais tout seul par les chemins ; plut à Dieu que je fusse encore une fois franchement de joyeuse humeur !

Dans la maison de mes bons parens j’étais un gai compère ; les soucis amers sont devenus mon partage depuis qu’on les a portés en terre.

Je vois fleurir le jardin des riches, je vois la moisson dorée ; mon sentier à moi est stérile ; c’est celui où l’inquiétude et la peine ont passé.

Je traverse en rongeant mon mal la troupe joyeuse des hommes ; je souhaite à chacun le bonjour de toute l’ardeur de mon ame.

Dieu puissant, tu ne m’as pas cependant laissé tout-à-fait sans joie ; une douce consolation se répand pour tous du firmament sur la terre.