Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
REVUE DES DEUX MONDES.

qui arrive aujourd’hui pour le fait tout aussi étrange des pluies de crapauds.

Ces tardives reconnaissances de vérités depuis long-temps annoncées sont un sujet de triomphe pour certaines gens qui parlent sans cesse de la vanité des sciences, et qui au reste ne réussissent guère à mettre en évidence que la vanité du bel esprit. — Vous seriez, messieurs, leur pourrait-on répondre, bien fondés à railler les savans de leur incrédulité, si vous aviez pris la peine de réunir les documens propres à entraîner leur conviction ; mais ce n’est pas à vous, c’est à des physiciens qu’est venue l’idée de faire un relevé des chutes de pierres signalées par les auteurs anciens et modernes. Vous connaissiez peut-être un grand nombre des passages qu’ils citent ; mais vous y avez seulement trouvé matière à réflexions sur l’incertitude des témoignages humains, et vous ne soupçonniez guère alors qu’il pût y avoir quelque intérêt à faire un recueil de tous ces contes bleus. — La vérité est que, jusqu’à ce que la réalité du phénomène fût, sinon établie, du moins bien près de l’être, l’utilité d’un pareil travail ne pouvait être généralement sentie. La longue liste d’aérolithes donnée par Zahn dans un ouvrage publié en 1696 passa presque inaperçue ; celle de Chladny au contraire fixa l’attention, parce qu’elle vint en temps opportun, c’est-à-dire lorsqu’on avait pour la solution de la question un élément nouveau plus important encore que l’élément historique, lorsqu’on en était venu à pouvoir interroger la pierre elle-même, et à distinguer en elle des traits qui décelaient une origine étrangère à notre globe.

Jusque-là, on doit le reconnaître, il n’y avait guère plus de raison pour s’arrêter, dans telle phrase de Tite-Live, au premier membre qui rappelait la chute d’une pierre tombée du ciel, qu’au second qui annonçait que sous le même consul un bœuf avait parlé. Mais, direz-vous, la chute des pierres est un événement qui se répétait si souvent ; il en est question en tant d’endroits… Hé ! croyez-vous qu’on n’ait prétendu qu’une seule fois qu’un bœuf avait parlé ? Pline dit expressément (livre viii, chapitre 45) que, parmi les prodiges dont on conservait la mémoire, celui-là était des plus fréquens. Il y avait des règles tracées pour la conduite qu’on devait tenir en pareille occasion, et, par exemple, la coutume était que le sénat s’assemblât en plein air chaque fois que l’annonce d’un évènement de ce genre lui était transmise.

Je ne prétends pas que le scepticisme des savans n’ait été quelquefois poussé beaucoup trop loin ; mais je crois que c’est un inconvénient auquel il faut savoir se résigner, parce qu’il est en quelque sorte inséparable de la marche qu’on suit aujourd’hui dans l’étude de la nature, marche qui