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SCIENCES NATURELLES.

reproduire. Il ne paraît pas douter par exemple qu’on ne puisse faire dire à une femme ses pensées les plus secrètes, si on place sur son cœur pendant qu’elle dort la langue d’une grenouille ; mais il faut que cette langue ait été arrachée à l’animal vivant et sans qu’aucune autre partie de la chair y soit restée adhérente. (Voy. liv. xxxiii, chap. 3.) Il est vrai qu’un peu auparavant il avait exprimé ses doutes sur la possibilité d’obtenir le même effet en employant le cœur du hibou.

Cette similitude d’usages dans deux animaux aussi différens pourrait bien être fortuite, mais je croirais plus volontiers qu’elle tient à ce que les noms latins du crapaud et du hibou, bubo et bufo, se ressemblant beaucoup, on aura pris l’un pour l’autre. Ce ne serait pas au reste le seul exemple de confusion entre ces deux noms, j’en citerai un autre assez singulier.

Albert-le-Grand dit que le crapaud couve les œufs de l’alouette et prend soin des petits. C’est là un conte bien ridicule sans doute, et pourtant il a été fait sans que personne eût l’intention de mentir.

Il est un oiseau que son organisation rapproche des hirondelles, mais que ses habitudes nocturnes ont fait quelquefois placer parmi les hibous ; c’est l’engoulevent, qu’on désigne encore dans quelques provinces de l’Amérique espagnole sous le nom de bufeo ou buho, nom qu’on donne également aux effrayes, aux chouettes, aux chats-huans, etc. Son nid, placé à terre, grossièrement construit et contenant des œufs tachetés à fond grisâtre, aura pu être aisément pris pour un nid d’alouette ; quand ensuite on aura vu la mère se poser sur ce nid et couver ces œufs qui semblent trop petits pour sa taille, on aura cru qu’elle adoptait une famille étrangère, comme la fauvette adopte le petit du coucou. Le fait, ainsi exprimé, n’avait rien d’absolument invraisemblable, mais il devint tout-à-fait absurde, quand un copiste maladroit eut, par le changement d’une seule lettre, fait d’un bubo un bufo, et mis le crapaud à la place de l’engoulevent.

Les erreurs qui, avant l’invention de l’imprimerie, naissaient ainsi de la négligence des scribes, sont, surtout en ce qui touche à l’histoire naturelle, beaucoup plus fréquentes et plus graves qu’on ne le suppose communément ; et comme, en général, les fautes allaient toujours croissant dans les copies qui se faisaient successivement d’un même livre, je ne sais si, en assurant la pureté des textes, la découverte de Faust ne nous a pas rendu un service aussi grand qu’en multipliant à bas prix le nombre des exemplaires.

Le premier avantage ne peut aujourd’hui être aussi généralement apprécié que le dernier ; mais je ne doute pas qu’il n’ait frappé tous