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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/204

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dire ce qu’elle avait vu, l’imprimer même dans un journal de province. Un de ces récits a été analysé par Sigaud Lafond, qui n’indique pas le recueil où il l’a pris.

« En 1777, il tomba, dit-il, dans le village de Troly, généralité de Soissons, pendant un orage, une pluie chaude et forte accompagnée de crapauds. Il en tomba, dit-on, sur deux femmes qui étaient en route, dans les paniers que portaient les chevaux sur lesquels elles étaient montées, et il y en eut en si grande quantité, qu’elles furent obligées de mettre pied à terre. Quelques physiciens, ajoute Sigaud, conjecturèrent que les grenouilles et les crapauds déposant leur frai dans des eaux marécageuses, ce frai avait pu être enlevé avec les vapeurs que la terre exhale, et qu’ayant resté assez de temps exposé à la chaleur des rayons du soleil, il en est éclos les animaux dont nous venons de parler[1]. »

Ceux qui proposaient cette conjecture n’avaient, à coup sûr, jamais étudié le phénomène de l’évaporation et ne méritaient guères le nom de physiciens. Quoi qu’il en soit, un fait reste pour ce qu’il est, quelle que soit l’explication dont on veuille l’accompagner, et celui dont nous parlons était remarquable en ce qu’il était à l’abri des causes d’erreurs invoquées par les critiques ; car ce n’était pas, à coup sûr, des fentes de la terre que sortaient les petits crapauds qui remplirent les paniers placés sur le dos des chevaux.

Les pluies de froment, de graines légumineuses et d’insectes mention-

  1. Une opinion qui à quelques égards se rapproche de celle-ci, et qui participe également des idées d’Olaus Magnus et de Paracelse, est celle que soutient le chanoine Gaffarel dans un ouvrage singulier, publié en 1626, sous le titre de Curiosités inouies.

    Après avoir cité plusieurs cas de palingénésie, et entre autres l’histoire bien connue du médecin polonais qui, en exposant à la flamme d’une bougie un bocal contenant des cendres de rosier, y faisait naître une rose aussi fraîche que si on venait de la cueillir, le chanoine arrive à cette conclusion que long-temps après leur désagrégation les particules constituantes d’un corps, même organisé, conservent de la tendance à reprendre leur dernier arrangement, et ainsi peuvent, si les circonstances sont favorables, donner de nouveau naissance à ce corps. Il ajoute : « C’est par aventure la raison qu’il pleut souvent des grenouilles, car le soleil eslevant des vapeurs de quelque marescage, où les grenouilles, après six mois, disent les naturalistes, se changent en limon ; il se peut faire que ces vapeurs qui en proviennent, échangées en nuées espaisses, peuvent exciter par la chaleur du soleil les formes des grenouilles, lesquelles, rencontrant les qualités propres à la génération, sont vivifiées et rendues vivantes. »