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on trouva, sur un terrain situé au sud du village et dans un espace de deux arpens, une quantité de poissons disséminés çà et là (au moins trois à quatre mille). Ils appartenaient tous à la même espèce, le chalwa (clupea cultrata). Leur longueur était d’environ un empan, et leur poids d’une livre. Ils étaient, quand on les trouva, tous morts et secs à la superficie. L’étang le plus voisin se trouve à environ une demi-mille au sud du village ; la Jumna est à trois milles dans la même direction, le Gange à quatorze milles vers le nord. »

M. T. Brown, à qui nous devons une nouvelle édition de l’excellent ouvrage de White (natural History of Selborne), rapporte dans une des notes qu’il a jointes au texte original qu’il y a douze ans environ, il tomba dans le Kinross-Shire une pluie de petits harengs. Plusieurs personnes de ma connaissance, dit-il, recueillirent un grand nombre de ces poissons dans les champs situés autour de Loch-Leven.

On doit peut-être aussi rattacher aux pluies de poissons le fait mentionné par Ellis dans ses recherches sur la Polynésie. Après avoir parlé des poissons de mer et des poissons d’eau douce, qui offrent un aliment aux Otahitiens ou aux habitans des îles voisines, il ajoute ; « Il me reste à parler d’un phénomène que les naturels ne savent trop comment expliquer. Dans des creux de rochers et dans d’autres places où se rassemble l’eau tombée du ciel, mais où celle de la mer et des rivières ne saurait, à ce qu’ils assurent, trouver accès, on rencontre quelquefois des poissons petits, mais bien formés. J’ai entendu souvent les gens exprimer leur surprise de trouver des poissons en pareil lieu et sans qu’on pût dire comment ces animaux y étaient venus. Ils les nomment topataua, ce qui signifie goutte de pluie, supposant qu’ils doivent être tombés des nues avec la pluie. »

S’il est vrai que ces poissons se trouvent dans des creux de rochers, on ne voit guère comment on pourrait se rendre compte de leur présence autrement que ne le font les naturels. Si on les rencontrait seulement dans des mares, il y aurait une explication plus naturelle du fait, puisqu’il est reconnu que dans les pays chauds certaines espèces de poissons, qui habitent des marais desséchés pendant une partie de l’année, s’enfoncent dans la vase lorsque l’eau disparaît, et passent leur été, comme nos grenouilles leur hiver, ensevelies dans une terre humide. Sur les côtes de France même, on voit quelque chose de semblable ; le lançon, lorsque la mer se retire, s’enterre dans le sable, et pendant la basse-mer, il est quelquefois à plusieurs pieds au-dessus du niveau de l’eau.

Comme dernier exemple d’une pluie d’êtres organisés, je crois pouvoir citer un fait rapporté par Dobrizhoffer dans son histoire des Abipones,